Depuis près de trente ans, la Grande-Bretagne subit les conséquences d’une terrible épidémie qui a transformé les habitants en enragés sanguinaires. Par conséquent, le pays a été placé en quarantaine par le reste du monde et les rares rescapés ont constitué une communauté sur une petite île. Les membres tentent de survivre au quotidien et vont jusqu’à se risquer en territoire hostile. Ces incursions forment les jeunes à lutter contre l’ennemi. Et l’une d’elles offre un mince espoir pour Spike de sauver sa mère. Le début d’un périple éprouvant dont il ne ressortira pas indemne.

28 jours plus tard appartient à cette catégorie de long-métrage devenu cultes avec les années, ce pour une raison inconnue, ou plutôt pour se rassurer et entretenir la théorie que c’était mieux avant ; avant que Disney n’écrase la concurrence, que la firme ne rachète Star Wars ou que le super-héros envahisse le grand écran. Alors, certes, le travail de Danny Boyle proposait quelques idées intéressantes (sans en regorger) et eut le mérite d’accorder le premier rôle au tout jeune Cillian Murphy.

Les nouveaux habitants de l’Apocalypse

Néanmoins, le film souffrait également des écueils qui parcourent toute l’œuvre du réalisateur britannique. Le recours à un découpage frénétique de l’image digne d’un clip (à l’instar de Michael Bay) fatigue et agace tandis que la propension du cinéaste à s’éparpiller en cours de route nuit à la cohésion du récit. À l’arrivée, les louanges et les récompenses ne parviennent à occulter le manque de finition de ses longs-métrages, y compris pour les plus réussis comme Une Vie Moins Ordinaire (très sous-estimé pour le coup) et Sunshine.

Fort heureusement pour lui, beaucoup lui vouent une admiration presque incompréhensible, ce qui lui permet aujourd’hui de revenir sur son histoire de pseudos zombies, plus de vingt ans après, accompagné de son compère Alex Garland, qui a fait pas mal de chemin entretemps et qui s’est taillé lui aussi une belle réputation (à raison ou à tort). Danny Boyle reprend donc les rênes d’une saga initiée par le succès en salles, après les avoir confiées à Juan Carlos Fresnadillo pour 28 semaines plus tard. Avec à la clé un bond dans le futur et une approche différente, censée susciter la curiosité. Un gage de qualité ?

Soldat en détresse

Overdose zombie ?

Difficile de répondre à la question, avec une ouverture dantesque, sans doute la meilleure scène du long-métrage, mais en revanche on peut pointer du doigt un certain manque d’identité de l’ensemble présenté. Pourtant, cette exposition, brutale et sans concession, annonce une fureur qui ne ressurgit que trop rarement, excepté lors des éviscérations sauvages d’un prédateur alpha plus futé que la moyenne. Et ce ne sont pas ces quelques enfants sacrifiés en regardant les Teletubbies, au nom d’une innocence perdue, qui justifieront une absence de risque évidente, au moment de traiter un univers post apocalyptique, infesté de simili zombies.

On se plaint sans doute logiquement de la prolifération des films de super-héros, sans adopter néanmoins un rejet identique pour divers genres ou sous-genres trop souvent abordés, comme celui de 28 ans plus tard. Quand Danny Boyle accouchait de 28 jours plus tard, il présentait une version revigorante des holocaustes mort-vivantes chères à George Romero. Toutefois, depuis 2002, ces tableaux du jour d’après la contamination se sont démultipliés au point de pulluler et de ne plus se distinguer les uns par rapport aux autres, au cinéma, à la télévision ou dans le jeu vidéo d’ailleurs.

Course contre la montre

Des entreprises telles que The Walking Dead et The Last of Us ont d’une certaine manière tari le filon, tant elles ont élargi le sujet, parfois avec panache et inventivité. Par conséquent, 28 ans plus tard peine à apporter sa pierre à l’édifice et puise même son inspiration dans les œuvres sus-citées, allant jusqu’à les mimer. Comment ne pas penser ainsi, à Joël et à Ellie de The Last of Us quand Spike et Isla déambulent dans un environnement imprégné des vestiges de la civilisation ? Ici, il ne s’agit plus de clins d’œil, plutôt un aveu d’impuissance, une résignation partielle à être capable de régénérer sur la forme une marque de fabrique.

Balade sauvage

Toutefois, tout n’est point à blâmer au cours de cette escapade infernale, au cœur des étendues sauvages, libérées de l’emprise humaine, bien qu’un mal plus féroce rôde, réduit à sa plus simple expression. La vision de ces menaces dénudées prête à sourire, à effrayer voire à éprouver une sorte d’empathie pour des êtres victimes d’un virus qui les contraint au pire. Pour Spike et Isla, la virée tourne aussi bien au cauchemar qu’en cadeau en guise d’adieu, avec une pointe de compassion bienvenue. Si l’instinct de survie prévaut parfois sur la démence d’une mère, c’est pour mieux protéger son foyer.

Robin des Bois contre les zombies

L’unique but de l’adolescent s’avère quelque part inaccessible et Danny Boyle se conforte à briser les quelques espoirs qui lui restent. On aurait d’ailleurs imaginé que le cinéaste emprunte cette assimilation entre monstres et sains d’esprit que George Romero avait employée pour souligner cette plongée dans les abîmes et cette métamorphose en tueurs implacables. La culpabilité s’estompe comme la peur ; on devient peu à peu impavide face aux hordes qui déferlent sur nous.

De fait le programme initiatique revêt un aspect impitoyable et on s’adapte à une sorte de fin du monde, le sien, alors qu’à l’extérieur, rien ne change comme l’expliquera un compagnon d’infortune. La terre ne s’arrête pas de tourner et le combat continue, même si un événement impromptu signe les termes d’une trêve temporaire. Et ces instants emplis de noblesse insufflent quelques notes de poésie, instaurant un ordre trop souvent écarté du dispositif.

La dernière marche

Anarchie sordide

Le long-métrage est handicapé en effet par la tendance de Danny Boyle à céder aux sirènes du chaos, le réalisateur s’égare tout comme sa forme qui vire au n’importe quoi sur le plan visuel. Un écueil flagrant quand il compare les séquences d’archerie et les batailles à celles de la période médiévales, exemples à l’appui, entrelaçant le tout à l’écran, pour un résultat indigeste et un emploi redondant (ah la maladie du pléonasme). En outre, il essaime plusieurs indices concernant des protagonistes introduits dans les premières minutes pour les ignorer jusqu’à un final incongru.

Cette solution ridicule n’existe que pour émoustiller le public vis-à-vis de la future suite à venir en janvier 2026. Exigences d’une franchise et du fan service… Cependant, cette posture racoleuse ne gêne presque pas tant l’authentique nuisance, nauséabonde, plombe les débats à de trop nombreuses reprises. L’habitude fâcheuse du réalisateur à se prélasser dans un océan de sordide et surtout à s’y complaire perturbe, d’autant plus qu’il semble accorder un véritable crédit à une conduite amorale, proche de l’indéfendable. En témoigne un hommage funéraire dérangeant à souhait. Le dégoût se joint alors à l’émotion… pour le pire.

Par conséquent, Danny Boyle écorne son long-métrage, l’affublant de mimiques désagréables, en dépit de bonnes intentions et d’ambitions élevées clairement affichées. Comme toujours avec lui (et dans une moindre mesure avec Alex Garland), on regrette ces penchants d’élève doué, mais peu attentif et paresseux.

Film britannique de Danny Boyle avec Aaron Taylor-Johnson, Jodie Comer, Ralph Fiennes. Durée 1h55. Sortie le 18 juin 2025

L’avis de Mathis Bailleul : Chaque plan de 28 ans plus tard fait ressentir la brutalité de son monde. Et niveau cinéma, ce récit à petite échelle met tout en œuvre pour dépasser ses limites. Pas aidé par sa structure, il survit dans l’expérimentation et dans sa proposition de survival honnête et audacieuse.

François Verstraete

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