Harlan Thrombey, auteur de roman policier mondialement connu, est retrouvé égorgé le lendemain de ses quatre-vingt-cinq ans. Les autorités concluent à un suicide. Mais le détective privé Benoît Blanc, engagé par un mystérieux commanditaire, commence à mener l’enquête. Il soupçonne un assassinat, guidé dans sa démarche par les sombres secrets de famille et de troublants indices…

La cabale sans doute injustifiée à l’encontre de Rian Johnson après un audacieux, mais incompris Star Wars VIII, n’en a pas fait pour autant un paria à Hollywood comme en témoigne le casting haut de gamme de son nouveau long-métrage. Le film parvient à réunir têtes d’affiches d’hier et aujourd’hui, acteurs populaires et seconds couteaux de grande qualité de Daniel Craig à Michael Shannon en passant par Jaimie Lee Curtis, Toni Colette ou encore Christopher Plummer. Cependant, ce n’est surement pas par leur prestation manquant souvent cruellement de nuances qu’A couteaux tirés puise sa force, la faute à un cabotinage d’ensemble et à une direction d’interprètes déficiente. Sur ce point, Rian Johnson est certes à blâmer. Dans son approche c’est l’inverse !

Rian Johnson contre attaque

Beaucoup sont agacés par la propension de Rian Johnson à changer les codes de son sujet, voire à le démystifier. Les réactions à l’encontre de Looper et bien sûr envers Star Wars VIII sont là pour en témoigner. Pourtant, le cinéaste s’efforce surtout, en dépit parfois d’un certain manque de finesse, à renouveler un système moribond sans pour autant se montrer irrespectueux comme l’ont fait Wes Craven ou encore Stephen Wong par le passé. De prime abord, À couteaux tirés s’apparente à une enquête classique tirée d’Agatha Christie, Cluedo moderne dans lequel les membres de la famille Thrombey s’évertuent à dissimuler une éventuelle culpabilité, piégés dans un jeu mensonger initié par un mort, maître de cérémonie malgré lui.

La quête d’éléments probants amenant à la vérité, les flashbacks censés discerner le vrai du faux, les révélations et coups de théâtre qui fusent de toutes parts abondent dans le sens d’un échafaudage académique qu’une distribution prestigieuse devait supporter et élever. Pourtant il n’en est rien, ni sur le fond et ni sur la forme. Le premier prêtera à discussion tant le discours revendiquant que des héritiers n’ont pas à se justifier quant à leur légitimité et encore moins la façon dont ils se servent de leur legs (ici Rian Johnson se tourne avec amertume vers les fans de Star Wars), souffre cruellement d’une absence de nuance à défaut d’aplomb. En outre, la métaphore mettant en avant une immigrée hispanique détrônant de puissants Américains, si elle est pertinente dans son attaque d’une politique délétère, manque clairement du sens de l’image capable de transcender un tel propos.

Audace finale

Non, là où le cinéaste déploie toute son savoir-faire, c’est bel et bien dans sa narration et le regard apposé à l’action tout du long. Alors que beaucoup se tournent vers l’héritage de Kurosawa pour ce type d’exercice de style et de Rashomon (ces dernières années Basic de John Mac Tiernan et Inside Man de Spike Lee en incarnent le parfait exemple), le metteur en scène s’éloigne au plus vite de la voie royale tracée par le maître nippon.

En lieu et place d’une quelconque recherche de la vérité et encore moins d’expliquer les différents points de vue capables aussi bien de la démontrer que de la personnifier, Johnson se débarrasse du fardeau de l’énigme tant sa résolution saute aux yeux du spectateur attentif dès le début du film. En replaçant ladite vérité sous un seul regard et en se moquant des récits pourtant à même de l’obtenir, le cinéaste recentre les enjeux sous la lumière d’une narration limpide, en opposition aux tournures alambiquées d’usage sur le genre.

À l’arrivée, il est n’est point aisé de définir le nouvel objet de Rian Johnson. Pas totalement un produit, pas vraiment un pastiche, et encore moins un chef-d’œuvre, l’emballage de belle facture cache sous son enveloppe trop d’anicroches. Cependant, À couteaux tirés confirme le réel talent de son marionnettiste, celui d’un honnête artisan comme a pu l’être Don Siegel par exemple par le passé. Astucieux sans être génial, culotté sans être vulgaire, le long-métrage comme son auteur mérite si ce n’est des félicitations au moins de sincères encouragements.

Film américain de Rian Johnson avec Daniel Craig, Chris Evans, Ana De Armas. Durée 2h11. Sortie le 27 novembre 2019

François Verstraete

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