Revenue récemment vivre aux côtés de son frère Paul, le shérif local, Julia enseigne désormais dans sa ville natale, une petite enclave minière de l’Oregon. Très vite, l’attitude du jeune Lucas l’interpelle. Craignant d’éventuelles violences domestiques, elle va être confrontée à une vérité inimaginable…

La perception d’une œuvre via son titre prend une tout autre dimension lorsque ledit titre démultiplie ses formes au profit d’une traduction (pas toujours pertinente) ou d’un changement de support dans le cadre d’une adaptation. Affamés atteste de ce constat fort ambivalent puisque le dernier projet de Scott Cooper repose sur la nouvelle nommée The quiet boy de Nick Antosca, est intitulé Antlers en version originale (soit bois, mais dans le sens bois d’un animal) et Affamés donc dans la langue de Molière.

Une telle divergence d’appellations ouvre pour chacune d’entre elles une perspective d’approche différente bien que le principe horrifique supposé fasse converger l’observateur lambda dans une direction générale thématique identique. Pourtant, le titre initial de la nouvelle laisse présager une fiction d’épouvante centrée sur l’enfance, le choix de l’intitulé anglophone pour le long-métrage, un plaidoyer écologique via le genre quant à la traduction française, une fable cannibale. De fait, Affamés concentre en son sein tous ces enjeux… tout en les desservant malheureusement.

Un premier voyage dans l’obscurité

Première incursion dans le genre pour Scott Cooper et une grande partie de son équipe, Affamés naît sous une étoile familière, puisqu’Affamés est coproduit par un maître incontesté du film fantastique, à savoir Guillermo del Toro. S’il découvre un tout nouvel univers, Scott Cooper, quant à lui, affiche en revanche depuis le début de sa carrière une véritable versatilité, une habilité indéniable, entrevue en particulier dans son biopic criminel Strictly Criminal ou son western Hostiles.

Dès les premières minutes, Cooper confirme sa capacité aussi bien à ancrer ses personnages de manière crédible qu’à écarter tout manichéisme dans son schéma narratif. Il faut alors louer certaines intentions formelles, notamment sa volonté de suggérer pour mieux planter le malaise de ses protagonistes, à commencer par celui de Julia ou en exposant tacitement la situation via les annonces radiophoniques. La tentation grandissante pour Julia par exemple d’acheter de l’alcool dans la supérette du coin induit les causes déchirantes qui l’ont amenée à revenir là où le drame a commencé.

Plaies béantes

La douleur intime, voilà ce qui lie le jeune Lucas, Julia et Paul, tous trois victimes d’un monstre au visage bien plus familier que la créature qui abat son courroux sur les habitants de cette petite ville. À partir de ce postulat, Affamés expose avec clarté ses influences autant cinématographiques que littéraires (celles qui ont sans doute inspiré également Nick Antosca). L’Échine du diable de Guillermo del Toro évidemment, Shining ou encore Simetierre.

Des référents auxquels Affamés peine à faire honneur lorsque Scott Cooper doit fédérer aussi bien l’ensemble des thématiques énoncées que résoudre les problématiques établies tout du long. En effet, malgré sa bonne volonté apparente, Cooper ne parvient jamais à saisir les rênes de la terreur (comme de trop nombreux réalisateurs qui s’essaient au genre), usant d’artifices usés jusqu’à la corde sans en retranscrire la substance. Pourtant, il suffit de peu pour faire monter crescendo la tension, la rendre palpable, mais n’est pas qui veut John Carpenter ou Jacques Tourneur.

Sans accoucher d’une purge indigne, Scott Cooper, en dépit de velléités intéressantes, échoue dans son entreprise. À forcer sur la dimension tragique sociale sans en capter d’ailleurs vraiment l’essence, le metteur en scène oublie en route l’élément nécessaire à tout bon long-métrage d’horreur, la puissance d’évocation…

Film américain de Scott Cooper avec Keri Russel, Jessie Plemons, Jeremy T. Thomas. Durée 1h39. Sortie le 17 novembre 2021

https://www.youtube.com/watch?v=Ja0FebH8jFk

François Verstraete

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