À la tête d’une colonie pionnière en quête d’un nouveau monde habitable, l’équipage du Covenant décide de faire halte sur une planète aux allures paradisiaques. C’est le début d’une longue descente aux enfers et d’une lutte contre d’inimaginables créatures…

À l’origine de la célèbre saga, il faut dénombrer trois hommes. Ridley Scott derrière la caméra, l’artiste Giger pour l’esthétique techno-organique et le scénariste Dan O’ Bannon. Or l’histoire de ce dernier est assez cocasse. Compagnon d’université du maître du cinéma de genre John Carpenter, il cosigne avec celui-ci un film de fin d’études, le film de science-fiction loufoque, Darkstar. Four monumental, il reviendra des années plus tard sur cette période douloureuse avec les mots suivants : j’ai fait une comédie et personne n’a ri. Si je ne peux pas les faire rire, peut être que je pourrai les faire hurler.

Il écrit alors le scénario d’Alien, le huitième passager (que certains qualifieront de plagiat d’une nouvelle de Van Vogt) et s’impose donc avec Giger et Scott, comme le créateur d’une des franchises les plus populaires de la pop culture, portée par une  forme minimaliste efficace à souhait, que n’auraient renié ni Carpenter… ni Jacques Tourneur lui-même. La précision du cadre et la sobriété de la mise en scène de Ridley Scott font merveille, tant l’indicible se confond avec l’horreur, avec en point d’orgue la séquence où le chat Jones  devient le témoin du meurtre d’un des membres de l’équipage. Tout un art.

Lourd héritage

Près de quarante ans ont passé depuis, Giger et O’ Bannon ne sont plus. Mais cela n’empêche pas Ridley Scott de revenir sur la franchise qui l’a intronisé à Hollywood, après que James Cameron, David Fincher et Jean Pierre Jeunet se soient faits ou cassé les dents sur le sujet. Il y a quatre ans déjà, Scott avait signé une préquelle de la licence, Prometheus, non exempte de défauts (c’est le cas de le dire…). Avec cet Alien : Covenant, il affiche une double ambition, celle de livrer les véritables origines de la saga et de faire oublier le ratage pseudophilosophique de son Prometheus. L’exposition faisant office de prologue s’avère alléchante : on y retrouve le sens du cadre du metteur en scène, son perfectionnisme dans les détails et dans le dialogue.

En revanche, la suite se révèle nettement moins réjouissante tant le réalisateur se perd en esbroufe aussi bien visuelle que narrative au milieu de figures dénuées à la fois de substance et d’intelligence. Certes la qualité esthétique de Giger perdure et la direction artistique fonctionne toujours grâce à l’efficacité de la caméra. Par contre, Ridley Scott oublie tous les fondements de son cinéma et de la saga ; son style autrefois était au service de la mise en scène, mais c’est bel et bien l’effet inverse qui se produit désormais.

Le long-métrage se transforme en une carte postale dépourvue de la sobriété qui faisait corps avec le premier opus, comme si  le manque de moyens  du premier volet avait injecté la formule gagnante . En lieu et place, on assiste dorénavant à un jeu de massacre, au sens propre comme au figuré, malgré l’interprétation impeccable de Fassbender. Les protagonistes se parent d’un caractère stupide et antipathique (alors que les archétypes originaux, bien que fort simples, se révélaient beaucoup plus authentiques) et tombent comme des miches, lors d’une tuerie désordonnée et inintéressante, digne des plus mauvais slashers des années quatre-vingt. Quant au délire créationniste du scénario, il s’avère plus ridicule que choquant.

Si Prometheus pouvait être considéré à tort ou à raison comme une œuvre malade, Alien: Covenant tient à de nombreux moments plus de la purge que du ratage. Pis encore, Ridley Scott semble avoir perdu à la fois le charme et la recette de ce qui faisait la force aussi bien du premier volet que du cinéma de Tourneur et Carpenter. La terreur pure, la vraie…

Film américain de Ridley Scott avec Michael Fassbender, Katherine Waterston, Billy Crudrup. Durée 2h02. Sortie le 10 mai 2017

Verstraete François

Share this content: