Second conflit irakien. Tireur d’élite de l’armée américaine, Chris Kyle se forge une réputation de soldat hors norme aussi bien chez ses amis que chez ses ennemis. Persuadé d’avoir opté pour le bon choix en s’engageant, il peine pourtant à retrouver son humanité lors de ses rares permissions…

Un sniper couvre la venue d’un convoi militaire quand survient le plus improbable des assaillants. Quelques secondes pour décider s’il doit vivre ou mourir ; quelques secondes interminables. Et Chris Kyle se remémore comment il en est arrivé là… La gestation d’American Sniper ne se fit pas sans heurts après les désistements derrière la caméra de Steven Spielberg et David O. Russel.

Finalement le projet échoit entre les mains de Clint Eastwood à la recherche d’un nouveau souffle après les succès en demi-teinte de J.Edgar et Jersey Boys. Tâche très délicate que d’adapter ce biopic ultra patriotique sans tomber dans les excès de l’hagiographie pure et dure, sans compter les travers politiques de tout bord. Le cinéaste de Lettres d’Iwo Jima a pourtant par le passé démontré son aptitude à filmer la guerre autrement. Et il en est ainsi encore aujourd’hui avec American Sniper.

Archétype

Si Eastwood parvient à hisser le niveau archétypal du sujet d’origine, c’est pour mieux le ramener à ses thèmes fétiches. Le biopic de cet ancien cow-boy texan devenu soldat émérite sied au réalisateur puisqu’il montre dans les premières minutes la mort de l’Homme de l’Ouest pour la naissance du héros post 11 septembre. Cependant, point d’apologie, tant il est difficile de s’identifier au prompt chauvinisme du protagoniste. Eastwood peint, mais ne dépeint pas, dresse un portrait sans fioritures, celle d’un individu et de ses excès, ses folies et son manque de doutes.

 L’amour des microcosmes sociétaux perdure encore ici ; Chris Kyle quitte le monde des cow-boys pour intégrer celui des Seals élite parmi les marines, qu’ils sont censés guider au front. Encore une fois Eastwood s’attache à certaines valeurs de clan, de communauté qui lui ont toujours été chères. La guerre, elle est présentée sous différentes formes. Si la violence y est crue, elle ne se montre que par flashs diffus pour mieux accentuer l’horreur. Le combat est lui filmé très souvent à hauteur d’homme comme dans le diptyque du metteur en scène consacrée à la Guerre du Pacifique.

Tension au crépuscule

Par contre, le duel crescendo avec le sniper adverse rappelle les plus belles heures du western cher à l’américain. Cependant, les vastes étendues ont fait place à un décor urbain trouble, hanté par le désespoir et l’Homme sans nom qui s’y meut devient l’aboutissement du héros amoral léonien. Tout comme chez Cimino, la guerre présente trois visages.

On y meurt, on en revient atrocement mutilé, et si l’on en sort indemne physiquement, les blessures psychologiques demeurent. Bradley Cooper s’affirme sur ce point en digne héritier du De Niro de Voyage au bout de l’enfer. Néanmoins si son interprétation éblouit, les atermoiements de Chris Kyle, quant à eux, n’impressionnent pas pas leur crédibilité, tant sur ce plan, la mise en scène manque de la conviction qui aurait élevé le long-métrage au rang des plus belles réussites du cinéaste.

Toutefois, même sans atteindre un tel niveau de maîtrise, American Sniper porte la marque d’un classicisme malheureusement révolu, celui du temps béni  où l’on savait conter une histoire.

Film américain de Clint Eastwood avec Bradley Cooper, Sienna Miller, Luke Grimes. Durée 2h12. Sortie le 18 février 2015.

François Verstraete

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