Malgré d’indéniables qualités d’écrivain, Ryota gagne sa vie en tant que détective privé sans avenir. Gaspillant ses revenus au jeu, il devient incapable de payer la pension alimentaire à son ex-femme Kyoto, au point de risquer de perdre son fils Shingo. Alors qu’il s’emploie à réparer ses erreurs, un typhon va lui permettre de retnouer avec sa famille pour une nuit.
Beaucoup voient en Kore-Eda le digne héritier de Yasujirô Ozu. Bien entendu si l’emphase de la comparaison apporte plus souvent son lot de désillusions que de bonnes surprises, force est de constater qu’avec le temps le japonais se rapproche tranquillement, mais sûrement du naturalisme poétique du maître du cinéma nippon. Pour ce nouvel opus, il retrouve son actrice fétiche Kirin Kiki ainsi que l’interprète principal de son film référence Still Walking, Hiroshi Abe.

Quotidien équivoque
Après la tempête conte et raconte les tribulations et les faiblesses d’un homme autour desquelles s’articulent de savoureuses tranches de vie. Si Ryota est bel et bien le chantre de ce drame aux allures douces-amères, il n’empêche que Kore-Eda s’efforce au-delà de narrer cette fuite en avant, de tisser un réseau de portraits, mais aussi de petites histoires, celles qui font si ce n’est la grande, mais au moins représentent plus que jamais les composants d’une société au quotidien. Kore-Eda ne traite jamais son sujet et ses protagonistes avec condescendance quand bien même leur humanité les fait trébucher.
Il porte plutôt un regard mélancolique sur ce qui aurait pu être, a été, est et ne sera peut-être jamais. Si la morale s’assimile de temps à autre à une philosophie des plus sommaires, c’est pour mieux souligner que la vie n’est qu’une tragi-comédie où les choix anodins, ceux qui se répètent incessamment, envoient des échos aux répercussions douloureuses. Et les paroles de Kirin Kiki à la fois simplistes, mais au combien révélatrices hantent le long-métrage du début à la fin. À l’instar d’Ozu, Kore-Eda parvient par plusieurs fulgurances à retrouver la sobriété du maître, quand sa caméra réussit à montrer l’indicible en crédibilisant les détails les plus insignifiants.

Rédemption
Ainsi comment ne pas être subjugué par la finesse de sa critique sociale, lorsqu’il arrive en un seul plan à peindre les disparités à travers les images fugaces d’un HLM grisonnant juxtaposant les rutilants habitats des plus aisés ? Un vrai tour de force, tout comme celui d’attacher les spectateurs à ces personnages tour à tour menteurs, manipulateurs, nostalgiques, amers ou bien encore solidaires. Il expose d’abord lentement puis dilate la narration vers un dénouement que tous espèrent salvateur…
Après la tempête parle de toute évidence à ces sempiternels regrets, mais également à l’obstination, l’entêtement jusqu’au-boutiste des valeurs et des défauts ancrés aussi bien dans la société que dans ceux qui y évoluent. La précision du cadre l’emporte alors sur les mots et la construction de l’espace se tord aux volontés du cinéaste quand ce beau monde se retrouve durant un instant fugace sous l’abri de fortune d’un toboggan.
Certes, Après la tempête n’est ni le meilleur film de Kore-Eda et ne sera sans doute pas la matrice de ses œuvres futures. Pourtant, au fur et à mesure qu’il gagne en sobriété et en maîtrise, il rejoint progressivement cette race d’artistes dont chaque composition interpelle un peu plus à chaque fois. Et quand le puzzle d’une vie sera reconstitué, on ne pourra t’être qu’admirer le panorama qui s’affichera.
Film japonais d’Hirokazu Kore-Eda avec Hiroshi Abe, YoshisawaTaiyo, Yoko Maki, Kirin Kiki. Durée 1h58. Sortie le 26 avril 2017.
François Verstraete
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