Le parcours de Robbie Williams, de membre de boys band à star planétaire de la pop, plombé par la haine de soi, la drogue et les difficultés familiales.
À une époque où tous les artistes possèdent un film dédié à leur carrière, Better Man, à l’instar du récent Piece by Piece, a apporté dès son annonce un vent de fraîcheur bienvenu. Ces entreprises, souvent supervisées par les intéressés eux-mêmes s’ils sont vivants, ou par leurs proches s’ils ne le sont plus, ont pour objectif de conserver une emprise totale sur le résultat final. Cela permet non seulement de flatter leur ego, mais aussi de présenter la facette la plus valorisante pour eux.
Il est difficile de blâmer qui que ce soit de désirer préserver son image. Après tout, qui voudrait exposer ses pires défauts et risquer de se mettre son public à dos ? Le pari serait bien trop osé. Le problème inhérent à cette démarche, c’est que toutes ces œuvres se ressemblent de manière frappante. À force de lisser les aspects de la vie des artistes, on se retrouve avec des récits aseptisés, déjà vus et donc, dispensables.
C’est pourquoi certaines propositions, comme Rocketman, s’en sortent mieux. Dexter Fletcher y présente les déboires dus à la célébrité. Rien de bien nouveau, sauf qu’Elton John se livre avec une audace rare. De plus, le tout est emballé dans une spectaculaire comédie musicale. Elvis de Baz Luhrmann instaurait de son côté une aura mystique pour iconiser son sujet, avec une mise en scène de tous les excès, jusqu’à rejouer La Création d’Adam de Michel-Ange. Avec Piece by Piece, la démarche est quelque peu différente, voire hybride, puisqu’il s’agit d’un documentaire qui reposera surtout sur des séquences de reconstitution en LEGO au lieu des classiques morceaux d’archives venant illustrer des interviews.
Cette idée peut paraître gratuite au premier abord, mais elle se justifie pleinement tout au long du film. Le récit suit la formule du « petit génie des instruments et des accords », mais la forme lui permet de suggérer que le génie se forge, se construit, pièce par pièce. C’est là la beauté de l’outil : un son seul ou en collaboration, une vie, sont mis en relief par les imbrications. Les reconstitutions deviennent ainsi ludiques et magiques. Certes, ce dispositif est un peu facile, mais il octroie la capacité de toucher un public plus large. L’histoire de Pharrell Williams, inspirant pour la jeunesse, livre un message plus accessible qu’il n’aurait pu l’être autrement. C’est tout simple, mais permet d’apporter un peu de fraîcheur à une recette usée a du bon.
De quel côté tu penches ?
Ainsi, nous voici face à Better Man, et l’on attend avec impatience de parcourir le long-métrage pour le comparer à ses prédécesseurs et le classer dans la catégorie appropriée. Mais la question est : la sauce prend-elle ? Eh bien… un peu, mais pas autant qu’espéré. Là où les autres films n’ont pas hésité à assumer leur concept, Better Man semble constamment se contredire. Sa nouveauté ? Se prétendre disruptif en présentant le chanteur en anti-héros et en remplaçant l’acteur principal par un singe… mais en le traitant comme un humain.
En fait, il est humain, avec des parents humains, mais il ressemble à un singe. Bref, on marche sur des œufs et cette faible innovation est loin d’être convaincante. Il y a bien quelque chose à retirer de cette idée. Robbie Williams a avoué dans une interview que l’industrie de la musique vous oblige soit à devenir un robot, soit à se muter en singe… et il a choisi son camp. Mais pourquoi un singe, maintenant ? Est-ce pour divertir le public ? Ou parce que sa personnalité se dégoûte au point de ne plus se sentir humaine ? Parce qu’un artiste se transforme en bête de foire ? Ou parce que certains préfèrent s’attacher au parcours d’un macaque plutôt qu’à celui d’un homme ?
Les raisons peuvent être autant multiples que censées, l’idée est surtout d’être remarqué par l’apport de cette singularité. Cependant ce besoin de considération est assez maladroitement dosé. Le sujet est tellement en recherche d’attention qu’il gesticule sans arrêt, jusqu’à s’essouffler dans de longs ventres mous pour repartir de plus belle et plonger dans l’excès.
Cette exubérance témoigne d’une sincère générosité, mais se transforme progressivement en boulimie dangereuse, bien qu’assez cohérente au regard des égos altérés par le star system. Ça hurle, ça jure, ça casse les oreilles. On a bien compris que le film se veut une autocritique acerbe, misanthrope et à fleur de peau, mais cela se traduit par une vulgarité assez grossière. Quand bien même ça sort des tripes, le tout aurait gagné à être moins tapageur.
She’s so crazy love her
De plus, la vie de Robbie n’est pas sans rappeler celle d’un Elton John ou d’autres artistes célébrés dans des biopics musicaux… ce qui fait qu’il est difficile de trouver un véritable intérêt à ce film, qui ressemble à tout le reste de la production. Il est ainsi judicieux de noter que Michael Gracey s’inspire du travail de Dexter Fletcher et reprend certains de ses meilleurs aspects, mais cela constitue à la fois sa plus grande qualité et son principal défaut.
Ce mélange d’instants de comédie musicale avec des chorégraphies de flashmob exceptionnelles sent le réchauffé, même si la démarche du réalisateur de The Greatest Showman tente de montrer une facette plus sombre de son sujet, c’est toujours préférable aux portraits lisses d’Hollywood, mais Rocketman a déjà abordé ce terrain, avec un traitement plus précis, efficace et mesuré. Better Man, c’est cet élève qui copie sur son voisin et qui change les tournures de phrase pour pas se faire choper. Dans l’idée la réplique est bonne, mais rappelle qu’il existe des versions plus réussies. Reste qu’il formerait un chouette diptyque de compositeurs-interprètes britanniques.
Le vrai problème de Better Man, c’est de ne pas savoir à qui il s’adresse. Aux fans de La Planète des Singes avec son singe en CGI ? Aux admirateurs d’un Robbie Williams aussi impliqué qu’un Elton John pour son projet, puisqu’il double lui-même son personnage et le produit (et pour le coup, ils en auront pour leur argent au vu de la mise à nue présentée) ? Trop radical et grave pour toucher un large public, le four au box-office américain se précise pour valider la confusion et/ou le manque d’intérêt de l’homo sapiens moyen pour cette fiction. Il ne subsiste qu’une tentative titubante dont on ne sait jamais vraiment si elle rappelle le numéro d’urgence par bon goût, pour s’attirer les faveurs en cochant une case… ou par opportunisme.
C’est bien emballé, ça a du style, c’est pertinent, mais ce n’est jamais plus qu’une pâle copie de ses modèles. Cependant, cela reste préférable à la majorité des films du genre et constitue une addition sympathique au catalogue des biopics à retenir. Donc, si vous cherchez un témoignage qui paraît sincère et un peu fou, Better Man pourrait bien être fait pour vous.
Film américain de Michael Gracey avec Robbie Williams, Jonno Davies, Steve Pemberton. Durée 2h16. Sortie le 20 janvier 2025
L’avis de Verstraete François : long-métrage bien moins honnête qu’il n’y paraît, Better Man parvient heureusement à sortir le public de sa torpeur par quelques artifices pas très originaux mais efficaces.
Mathis Bailleul
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