Devenue une fugitive recherchée par les autorités mondiales suite aux événements survenus dans Captain America : Civil War, Natasha Romanoff alias Black Widow va renouer malgré elle avec son passé et être confrontée à un spectre tout droit surgi d’outre-tombe pour se venger…

Vingt-quatrième long-métrage placé sous la franchise du Marvel Cinematic Universe, Black Widow se concentre sur la fameuse espionne d’élite incarnée par Scarlett Johansson. Si on peut reprocher à raison le formatage excessif imposé à la licence par Kevin Feige, on doit en revanche reconnaître la qualité du panel d’acteurs et d’actrices désigné pour interpréter les différents protagonistes de l’univers de La maison des idées.

Parmi ce casting éclectique, le cas de Scarlett Johansson reflète à merveille cette qualité puisque les choix de carrière de la jeune femme oscillent entre le blockbuster décomplexé ou frelaté et le cinéma indépendant dans lequel elle excelle (de Lost in translation au récent Marriage story en passant par Match point, Her ou Under the skin). Ainsi Disney s’est plié au désir de l’actrice, celui de développer un segment entièrement dédié à son personnage. Une aubaine peut être pour le public d’apprécier enfin son talent indéniable dans une grosse production au-delà des films d’auteur dans lesquels elle a fait ses preuves.

Formule désincarnée

Très vite malheureusement cette attente se dissipe sous le joug de plus en plus oppressant d’un système certes rodé, mais peut être bien à bout de souffle. En effet, jamais la formule élaborée par Kevin Feige n’a paru aussi fade et surtout aussi déclinante que dans ce Black Widow. La faute aux velléités du producteur mais également à celle d’une cinéaste Cate Shortland qui n’avait sans doute point les épaules pour soutenir un tel projet. Pourtant les intentions et de réelles bonnes idées existent à commencer par une autodérision encore plus présente et une volonté de déconstruire l’hypersexualisation liée à Natasha Romanoff, élément reproché souvent par certains observateurs.

Le studio dévoile alors une triple ambition dans la lignée des opus précédents de la franchise. Persister dans la dénonciation des discriminations, renforcer le côté serial de l’entreprise quitte à citer ironiquement les épisodes antérieurs et enfin endosser de plus en plus le rôle de genre ultime de notre époque même s’il faut désormais ringardiser les anciennes références d’un passé pas si lointain.

En ce qui concerne le combat contre les discriminations et plus précisément l’émancipation féminine, Cate Shortland échoue à force de s’engoncer dans des stéréotypes grossiers dignes de ceux entrevus dans Captain Marvel ou dans le long-métrage estampillé Warner, Birds of prey : la fantabuleuse histoire de Harley Quinn. La touche pseudo christique durant l’affrontement final tempère quelque peu cette impression de gâchis. Concenant l’aspect serial, Black Widow repose sur des bases scénaristiques calquées sur Captain America : Winter Soldier et Les Gardiens de la Galaxie tandis que la facette comique est censée interpeller le spectateur dans son côté méta. Là encore, nouvel accroc, Cate Shortland ne parvient jamais à égaler l’efficacité de Taika Waititi sur Thor : Ragnarok alors que l’humour n’atteint que trop rarement sa cible.

Ne te renie point

Ne reste que la dernière ambition, celle de dépasser encore un peu plus l’héritage des genres d’antan, à savoir ici le film d’espionnage mâtiné d’action. Le dispositif trébuche en partie, à citer maladroitement James Bond et Mission Impossible, en ne valorisant pas assez le charisme de Taskmaster ou en ressassant des scènes maintes fois employées. Pourtant, malgré ces travers survient le véritable point positif du long-métrage, habilement utilisé cette fois. En puisant ses exploits dans la mécanique des excès, fondamentale dans le film des super-héros, Natasha Romanoff repousse un peu plus ses limites mortelles malgré la multiplication des coups reçus et des plaies douloureuses.

N’oublions pas qu’à l’image d’un Batman, Black Widow ne possède pas l’essence d’un dieu, une armure high tech, ne s’est point fait injectée de sérum de super-soldat mais appartient tout de même à une équipe composée d’êtres aux pouvoirs démesurés et rivalisent avec eux dans leurs prouesses. En réfutant l’humanité de son personnage et avec elle la fragilité inhérente qui en découle, Cate Shortland adopte un point de vue contraire à celui de Christopher Nolan dans Dark Knight Rises avec une certaine réussite et un véritable culot.

C’est pourquoi il est fort dommage que Cate Shortland n’ait point souligné davantage la métamorphose de son héroïne en super-héroïne au profit d’un pamphlet féministe raté, dénué de la finesse exigée. Quant à Scarlet Johansson, elle ne parvient jamais à se hisser au niveau de ses plus fameuses prestations malgré fort heureusement des bases plus solides que la moyenne. En dépit de cet échec, doit-on garder la foi encore en l’avenir d’un MCU, trop balisé, trop lisse, bref, trop commercial ? La réponse viendra du choix des réalisateurs, puisque la faillite de Cate Shortland n’occulte pas les travaux de Joss Whedon, Taika Waititi ou James Gunn. La licence quelque peu léthargique n’attend qu’une chose, être réveillée. C’est pourquoi il faut croire en Chloé Zhao et son Eternals ainsi qu’au grand retour de Sam Raimi sur le genre avec le futur Doctor Strange in the Multiverse of Madness, presque vingt ans après son premier segment de Spider-Man.

Film américain de Cate Shortland avec Scarlett Johansson, Florence Pugh, David Harbour. Durée 2h14. Sortie le 7 juillet 2021.

François Verstraete

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