Princesse comblée, Blanche Neige doit son nom aux intempéries qui se sont abattues sur le royaume durant sa naissance. Tout la destine au meilleur jusqu’au jour où son père se remarie avec une femme dont la beauté n’a d’égale que la cruauté. Après avoir évincé son époux, cette reine cherche à éliminer la jeune fille, rivale dangereuse, à même de contrarier ses projets. Blanche Neige s’enfuit dès lors dans une mystérieuse forêt et trouve refuge chez les alliés les plus inattendus.

Admirable ou détestable, la stratégie établie par Disney depuis plus de quinze ans perdure tant bien que mal, suite à de multiples remises en question, de revers au box-office ces dernières années et des diatribes concernant la qualité des diverses productions. La firme aux grandes oreilles se repose uniquement sur ses franchises au détriment de la créativité, de Marvel à Star Wars, en passant par Pixar et par les différents remakes de ses dessins animés sous forme de live action.

Rachel Zegler chante sans convaincre

D’ailleurs, le principe même du remake, posture paresseuse courante désormais à Hollywood interroge quant à sa pertinence. Outre les quelques succès que l’on aimerait réitérer, certains auteurs aspirent à endosser la gloire illustre de leurs aînés en réinventant certains chefs-d’œuvre, vainement. On pense au récent Nosferatu ou à la future relecture de La Nuit du chasseur… et pour Disney, améliorer l’original n’est pas primordial, il faut juste s’accorder aux nouvelles exigences visuelles et circonvenir aux thématiques contemporaines.

Il est donc bien loin le temps d’Ozu qui accouchait d’une seconde version de son Herbes Flottantes afin de satisfaire ses propres ambitions. Aujourd’hui seul le dollar compte… ou l’égo. Voilà pourquoi, cette énième mouture autour du personnage du conte de Grimm interpellait d’autant plus, qu’en sus de Walt Disney, d’autres travaux se sont penchés sur son univers, à commencer par le diptyque Blanche Neige et le Chasseur et Le Chasseur et la Reine des Glaces. Ainsi, on se demandait si le passage de l’animation au live action serait réussi, après plusieurs tentatives calamiteuses du genre de la part du studio (La Petite Sirène, Cendrillon, Mulan) et en dépit de son manque de pertinence.

Terrifiante à défaut de bien jouer

Surtout, quel serait l’accueil public et critique suite à une promotion délicate, nourrie par les polémiques de toutes sortes, liées à des points sociétaux ou politiques abordés, soit par le long-métrage en lui-même, soit par l’équipe. Dans tous les cas, partisans ou détracteurs des idées avancées devraient avant tout se concentrer sur l’élément prépondérant, soit la mise en scène (et pour n’importe quel autre film d’ailleurs) ; le traitement prévaut sur le sujet, l’élégance sur la problématique, car l’art n’existe que par la force de sa forme. Un aspect trop souvent oublié, y compris, hélas, par Marc Webb.

Dans la douleur

Force est de constater que le cinéaste ne s’était pas, pour l’instant, distingué favorablement au cours de sa carrière, avec à son actif, deux volets courageux, mais très mitigés dédiés à la licence Spider-Man (ceux avec Andrew Garfield) et Mary, un drame convenu avec Chris Evans. Cette collaboration avec Disney ne se plaçait donc pas sous les meilleurs auspices et il aurait été étonnant que son style s’ajuste convenablement avec le cahier des charges imposé et le récit même de Blanche Neige, quand bien même il a été assez nettement remanié.

La belle et le clochard

En effet, chez lui, les protagonistes s’émancipent par la douleur, puisant leur détermination dans les facettes les plus troubles et dérangeantes de l’adversité. Comment pouvait-il alors employer pareille méthode avec le ton d’un conte destiné avant tout aux enfants, avec sa morale mesurée et la retenue forcée ? Tout simplement en s’intéressant aux pièces les plus sombres de cette histoire, même s’il doit exagérer les traits, ce jusqu’à la nausée. Devenue domestique telle Cendrillon, Blanche Neige doit s’émanciper aussi bien du patriarcat que d’un matriarcat très capitaliste. Et Marc Webb ressasse ou recycle les tourments qui l’oppressent elle ou les résidents du royaume, pour mieux valoriser sa beauté intérieure… navrant plus que touchant dans l’approche.

Fort heureusement, Rachel Zegler se démarque lors des numéros chantés, même si son manque de charisme dessert sa prestation (un défaut repéré déjà dans le West Side Story de Steven Spielberg). Quant à sa comparse Gal Gadot (avec qui elle avait partagé la scène post générique de Shazam ! La rage des Dieux), elle dégage une authentique aura maléfique dans la peau de la Reine, qui ne masque pas, en revanche, sa palette de jeu très très limitée.

La pomme de la discorde ?

Le changement, c’est maintenant…

Bien entendu, ces quelques bouffées d’oxygène n’empêchent pas le navire de sombrer. L’ensemble prend l’eau de toutes parts, entre failles flagrantes et béantes ou défauts plus insidieux. L’exposition est un modèle de ce qu’il ne faut pas faire, neutre au possible, n’introduisant jamais situation ou personnages avec aplomb. Les quinze premières minutes défilent et soulignent un manque de cohésion avec ce qu’il s’ensuit. Marc Webb ne s’attache qu’à quelques morceaux de « bravoure » (sans jamais les sublimer) et dédaigne des protagonistes de l’ampleur des sept nains… on évitera de tirer davantage sur l’ambulance en évoquant la laideur de la direction artistique, déplorable.

En outre, en désirant délivrer un pamphlet féministe et social sans saveur ni subtilité, le réalisateur néglige tous les fondamentaux du cinéma pour un résultat chaotique, sans liants. Figure forte, affranchie de l’appui des hommes, Blanche Neige éclipse le reste de la distribution, vidant de fait de leur substance, tous les rôles secondaires. Et la confrontation finale pataude renvoie à certains moments à certaines séquences très mal maîtrisées de la conclusion d’Avengers : Endgame. Comme quoi, les écueils de l’écurie Disney se propagent dans l’ensemble de sa filmographie…

Par ailleurs nulle comparaison avec l’original n’est nécessaire pour mesurer l’ampleur de la catastrophe. Le problème ne réside pas dans cette volonté de balayer le passé, mais de proposer un présent pathétique, dépourvu du moindre intérêt. Par conséquent Blanche Neige rejoint les fautes de goût si fréquentes, révélatrices d’un mal qui frappe une industrie tout entière et pas uniquement Disney.

Film américain de Marc Webb avec Rachel Zegler, Gal Gadot, Andrew Burnap. Durée 1h49. Sortie le 19 mars 2025

François Verstraete

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