Devenu président des États-Unis, l’ex-général Ross demande l’appui de Sam Wilson, alias Captain America. Or, alors que la relation entre les deux hommes se réchauffe, une crise internationale survient. Sam Wilson va s’efforcer de la résoudre tout en essayant de sauver les siens. Et dans l’ombre, une menace mystérieuse se profile…
Les rumeurs autour de la production de ce quatrième volet consacré aux aventures de Captain America laissaient présager le pire. Les nombreux reshoots, le dépassement généreux de budget et la présence de Julius Onah, cinéaste peu inspiré, annonçaient un nouvel épisode cataclysmique pour le MCU et son grand manitou Kevin Feige. Néanmoins, il faut savoir se préserver des bruits de couloir, amplifiés par le souhait d’un pan de l’industrie (réalisateurs ou critiques) de voir la franchise exploser, à tort ou à raison.
Le manque cruel d’objectivité la concernant (encensée un poil trop à ses débuts et désormais conspuée pour un oui ou pour un non), révèle le peu de nuance et de recul, mal contemporain qui frappe aussi bien le public que les observateurs. Ainsi, la série Falcon et le Soldat de l’hiver, qui servait de gigantesque prologue à ce long-métrage, n’était point le naufrage clamé un peu partout et confirmait surtout qu’Anthony Mackie possédait un charisme indéniable, bien que l’écriture de son personnage laissait parfois à désirer.
La question sur toutes les lèvres se superposait à celle présente dans le film (d’où un curieux amalgame diégétique pas déplaisant). Anthony Mackie fera-t-il oublier Chris Evans dans le rôle du héros à la bannière étoilée et Sam Wilson peut-il succéder à Steve Rogers, alors qu’il est lui-même dépourvu du moindre super pouvoir ?
Quant à Julius Onah, est-il capable d’accoucher d’un opus respectable, d’autant plus que Captain America a bénéficié du meilleur traitement parmi tous les personnages du MCU (First Avenger ou Le Soldat de l’hiver s’appuyaient sur une distribution et une forme assez solides et Avengers : Endgame accordait une conclusion satisfaisante pour le protagoniste, la mieux travaillée aussi) ? Par conséquent ce Captain America : Brave New World suscitait non pas d’énormes attentes, mais plutôt toutes sortes d’interrogations et misait gros, après le milliard de recettes engrangées par Deadpool and Wolverine l’an dernier. Allait-on assister à une renaissance ou à un énième revers ?
Retour aux sources ?
Ni l’un, ni l’autre, même si le naufrage n’a été évité que de justesse, bien que l’on relèvera la note d’intention intéressante à défaut d’être passionnante. Fatigué sans doute par les diatribes à son encontre, Kevin Feige opte en apparence pour un traitement plus proche de ce que faisait le MCU jusque 2015, plutôt que de s’enfoncer dans sa formule lassante, usée jusqu’à la corde. Ainsi, le recours systématique à l’humour, en particulier pour désamorcer la tension dramatique, cesse, du moins, en grande partie, et on apprécie ce geste.
En outre, Brave New World calque sa narration et son dispositif d’ensemble à celui de Captain America : Le Soldat de l’hiver, ce qui constitue en soi un bon point, tant le film des frères Russo s’impose comme l’un des plus réussis de tout le MCU. L’intrigue géopolitique sur fond d’espionnage possède un réel potentiel et ne demande ici qu’à être exploitée, d’autant plus que l’arrivée d’Harrison Ford pour remplacer feu William Hurt dans la peau de Thaddeus Ross faisait saliver. Encore un comédien d’envergure pour la saga après Glenn Close ou Robert Redford… dans Le Soldat de l’hiver.
Par ailleurs, l’idée de se concentrer sur l’extraction des ressources du Céleste tué lors des Éternels et du fameux adamantium remplissait d’office le fan service exigé par le cahier des charges sans cette fois abreuver le spectateur de références forcées inutiles. Bref, sur le papier, le projet reposait sur un socle suffisamment robuste pour ne pas sombrer.
Relecture ratée
Hélas, l’idée de recycler Le meilleur des mondes d’Huxley (d’où le titre) afin de saupoudrer le substrat de ce long-métrage d’un vague idéal utopiste dessert une mécanique déjà grippée par la mise en scène frelatée de Julius Onah. Brave New World ne se pose finalement qu’en ersatz pas bien élaboré du Soldat de l’hiver et c’est dommage. En effet, la première heure se vautre dans une standardisation résultant d’une absence de prise de risque et d’une maladresse chronique derrière la caméra.
Pourtant, Julius Onah a maintes fois l’occasion de se transcender : malheureusement, rien ne se dégage de ses séquences d’affrontement pendant cette partie censée introduire tous les enjeux et les quelques dispositions dramatiques sont balayées par des conversations jamais valorisées par un script fade et fonctionnel. Le pire survient au cours d’une course-poursuite insipide au cœur de Washington.
Quant aux personnages secondaires, ils brillent par leur manque de profondeur alors qu’Isaiah, déjà vu dans la série Falcon et le Soldat de l’hiver, méritait davantage d’attention. Quant à l’introspection de Thaddeus Ross, elle ne convainc jamais vraiment, bien qu’Harrison Ford rattrape en partie la partition bâclée du réalisateur. Ce bilan peu reluisant inciterait n’importe qui à s’échapper de la séance au vu de cette accumulation de tares coutumières depuis quelques années au sein du MCU.
Un brin d’espoir
Néanmoins, résister ici à la tentation est récompensé puisque les quarante dernières minutes proposent un spectacle bien plus digne, à défaut d’une confrontation homérique ou de générer enfin un authentique souffle épique. L’efficacité prend le pas sur des envies hasardeuses tandis que les échanges entre les protagonistes s’épaississent, et ne virent pas à la farce infâme, excepté lors d’une conversation à bâtons rompus interrompue par un trait comique, employé presque à bon escient.
Et puis il y a la prestation sérieuse d’Anthony Mackie qui instille de la consistance à son Captain America tandis que la facette héroïque délestée du super rejaillit après un essai peu concluant dans Black Widow. Julius Onah tente de caractériser Sam Wilson, de définir sa place dans l’Ère des merveilles chère à Kurt Busiek, lui l’homme ordinaire, sans pouvoirs ni intellect supérieur, nanti uniquement de son courage et de sa compassion. Une façon sous-jacente de réunir les « élites » et le peuple ?
Difficile à affirmer même si une démarche aussi racoleuse ne serait pas surprenante. Pourtant, malgré cet ultime et probable écueil, Brave New World n’a rien du film infamant, mais déçoit tant Julius Onah aurait pu s’affranchir de ses limites personnelles et de celles du MCU actuel. Néanmoins, une lueur d’espoir subsiste puisque Kevin Feige et son équipe semblent avoir retenu la leçon de leurs échecs précédents et adoptent un revirement de ton bienvenu.
Film américain de Julius Onah avec Anthony Mackie, Harrison Ford, Dany Ramirez. Durée 1h59. Sortie le 12 février 2025
François Verstraete
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