1980. Ancienne star du rodéo, Mike connaît une retraite difficile. Son ex-patron lui confie alors une mission quasi impossible : se rendre au Mexique et récupérer son fils afin de le ramener aux États-Unis. Un parcours semé d’embûches qui va le confronter à ses propres démons…

Faire la saison de trop pour un sportif ou le long-métrage de trop pour un cinéaste représente très souvent leur plus grande crainte. À quatre-vingt-onze ans, on pourrait penser à juste titre que Clint Eastwood nous avait déjà tout montré et surtout tout dit. Si on peut reprocher à l’ultime légende hollywoodienne de proposer un énième film d’« adieu », il faut saluer en revanche sa dernière ambition cachée, celle de finir comme John Huston avec un chef-d’œuvre en guise de révérence (cf. Les Gens de Dublin). Une démarche qui commence malgré tout à user critiques et public surtout que le réalisateur recherche un énième second souffle après une première décennie du second millénaire marquée par plusieurs travaux incontournables.

Le maître qui en faisait trop

À partir des premières minutes, Clint Eastwood joue et surjoue de la pesanteur de l’âge, agaçant par moments dès qu’il s’échine à retrouver une jeunesse physique et cinématographique envolée sans doute depuis fort longtemps. Il répète un numéro certes rodé, mais accusant comme lui le poids de la vieillesse. S’appuyant aussi bien sur son bijou trop méconnu Honkitonk Man, mais également sur les comédies qui ont renforcé son aura populaire comme Doux, dur et dingue de James Fargo (l’orang-outang Clyde cédant sa place au coq Macho), Eastwood puise à la source de sa filmographie, de l’essence du western fordien à une errance obligatoire lors de road-movies régénérateurs.

Si bien qu’à force de tourner en rond, il s’avère fort légitime de se demander si le maître doit persévérer et s’il existe un intérêt de s’attarder sur Cry Macho et sur d’éventuelles œuvres à venir. Certes le scénario et les dialogues tombent très souvent à plat, mais il ne faut pas en revanche sous-estimer chaque essai d’Eastwood, surtout avec une fin imminente probable et en dépit des défauts sus-cités. Même s’il exploite certaines idées jusqu’à l’épuisement et ne développe pas assez d’autres aspects séduisants, Eastwood, continue d’ouvrir avec Cry Macho un horizon nouveau, bercé par une candeur juvénile et un fol espoir qui ne laisse point indifférent.

Héritage et regrets

Une entreprise qui date notamment depuis Sully, comme pour faire oublier les regrets de Mike parcourant rapidement les coupures de journaux racontant sa trajectoire brisée ou à l’image d’Armie Ammer pleurant son amour perdu dans J.Edgar. La victoire du mal sur le bien, témoignant du nihilisme emprunté à son mentor Sergio Leone, n’obsède plus Eastwood au crépuscule de sa carrière. Ici, tel Josey Wales, Mike doit renaître en dépit des coups du sort, de la trahison et des spectres du passé. Au moment où il s’arrête avec Rafa dans cette petite enclave mexicaine isolée, il renoue enfin avec son humanité.

Sa rencontre avec Marta rappelle d’ailleurs celle de Josey Wales avec Laura Lee. Le thème de la communauté cher à Eastwood reprend donc tout son sens, avec une certaine innocence qui compense la naïveté des sentiments. Le spectre de la tragédie s’estompe alors peu à peu malgré des épisodes douloureux, une conversation lourde de signification dans une chapelle ou quand un adolescent dévoile crûment les marques physiques de la souffrance…

Puis, sans crier gare, Eastwood surprend le spectateur, quand il ne s’y attend plus avec comme à l’accoutumée l’emploi de la suggestion. Le metteur en scène nous parle encore de transmission du vieux mentor à la jeune génération. Mais au moment où cette dernière se charge de la mission des anciens, Eastwood bouleverse ainsi son éternel équilibre avec une ultime séquence étonnante sur le fond et en partie sur la forme.

Œuvre certes anecdotique au sein de la carrière du réalisateur, Cry macho risque de lasser définitivement les fidèles et de pointer une certaine fatigue artistique présente depuis dix ans maintenant. Pourtant, faut-il négliger le travail même inachevé d’un tel géant, répondre par la négative relève de l’évidence. Surtout lorsque le cinéaste s’évertue à croire que d’autres marcheront dans ses pas pour entretenir le legs d’une Hollywood à son l’apogée…

Film américain de Clint Eastwood avec Clint Eastwood, Dwight Yoakam, Daniel V. Graulau. Durée 1h44. Sortie le 10 novembre 2021

François Verstraete

Share this content: