Alors que Matt, Karen et Foggy fêtent un succès à venir, le mal frappe. Un an plus tard, Matt a raccroché son costume. Néanmoins, quand son ennemi juré Wilson Fisk accède au poste de maire de New York, ses convictions vacillent. L’heure de la renaissance a sonné.
Plébiscitée le public et la critique, la série Daredevil développée par Netflix s’est achevée au bout de trois saisons, avec une passation des ayants droit au profit de Disney +. Beaucoup craignaient que la plateforme appartenant à la firme aux grandes oreilles n’aseptise une œuvre sombre à la violence exacerbée. Fort heureusement, l’annonce du retour d’une majeure partie de la distribution d’origine a rassuré pas mal de monde.
Il faut avouer que la réussite de cette série doit beaucoup à la performance du tandem Charlie Cox Vincent D’Onofrio et leur présence dans cette suite nommée à bon escient Born Again (en référence à l’arc mythique signé Frank Miller) suggérait qu’elle conserverait sa saveur d’autrefois. Certes, beaucoup argueront que Disney + ou Marvel sont incapables de proposer un divertissement soi-disant mature. Ils oublient cependant que la Maison des Idées avait diversifié sa ligne éditoriale dans les années deux-mille avec les comics book estampillés Max, une gamme pour adultes qui regroupaient des titres tels que Jessica Jones, War Machine… ou Daredevil.

Et l’entreprise s’en est rappelée au moment de la gestation de Born Again, tant cette première saison se livre de temps à autre aux pires outrances, ce qui devrait convenir aux admirateurs venus tout droit de Netflix pour contempler le résultat. En revanche, ces derniers risquent tout de même de le minimiser, puisque cette mouture pâtirait de la comparaison avec son aînée. Un fait plus ou moins indéniable si la mémoire sélective n’omettait les nombreuses carences de la version Netflix (seconde partie de saison deux très discutable, saison trois bien moins aboutie). Par conséquent, ce Born Again s’inscrit en digne héritier, avec ses forces et ses lacunes.
Ouverture, fermeture
Il est vrai, hélas, qu’il oscille entre l’excellent et le médiocre durant ses neuf épisodes, soufflant le chaud et le froid, hésitant entre fan service obligatoire désolant et authentique volonté de bien faire, celle d’ajouter une belle pierre à l’édifice érigé par Netflix auparavant. Et le pilote se distingue par une ouverture dantesque, brutale, au ton désespéré, qui voit le justicier de Hell’s Kitchen recourir à des méthodes qu’il abhorrait jusque-là, suite à une tragédie imprévisible. Ces quelques minutes annoncent alors le meilleur pour la série et le public imagine que le diable en costume n’a rien perdu de sa superbe, en passant sous le giron de Disney.

Pourtant, très vite, l’ensemble se disperse et le rythme ralentit, souvent sans aucune raison. On s’ennuie ferme et les sujets abordés ne passionnent pas, puisque la galerie de protagonistes présentés ne brille pas par son originalité. Les (trop) rares apparitions de Deborah Ann Woll et de John Bernthal ne suffisent pas à occulter une écriture bâclée concernant les nouveaux venus (entre l’assistant aux dents longues de Fisk, Heather Glenn et la collaboratrice de Matt). Quant aux clins d’œil à Miss Marvel ou à Swordman, ils laissent songeurs et pantois, alors qu’il eut été préférable d’approfondir le personnage de White Tiger.
Fort heureusement, quelques éclairs illuminent la morosité ambiante avec notamment une conclusion à cette saison à la hauteur de l’exposition. L’horreur frappe, au sens propre et figuré, avec une scène dans la veine des pires films gore, tandis que la résistance se forme au terme d’un cliffangher relativement bien construit. On saisit alors l’ampleur du processus déployé jusque-là par les scénaristes et créateurs, qui ont voulu calquer les destinées de Wilson Fisk et de Matt Murdock, avec toutes les peines du monde, mais aussi une certaine élégance.

Résurrection
Dans le Dark Knight Rises de Christopher Nolan, le spectateur devait patienter près d’une heure pour voir un Bruce Wayne, au bord de la dérive, endosser enfin les traits de son alter ego héroïque. Et il en va de même avec Born Again, puisqu’après les événements dramatiques survenus dans le premier épisode, Matt Murdock décide de se retirer tandis que l’on découvre un Wilson Fisk métamorphosé, après avoir pansé ses blessures (contractées dans la série Hawkeye). Il faudra un certain laps de temps avant que chacun n’ accepte sa véritable nature, qu’ils contiennent de fait, non sans effort.
Certes, cette approche repose sur des artifices un poil simplistes et on devine rapidement la stratégie mise en place, en raison d’un manque de subtilité. Néanmoins, les prestations de Charlie Cox et de Vincent D’Onofrio ajoutent un crédit indispensable à ce dispositif, au point qu’ils éclipsent, par leur aura charismatique, tous leurs partenaires à l’écran. Ainsi, l’entreprise psychologique (même sommaire) se déploie par leur intermédiaire. La question sempiternelle du héros « costumé » se profile ou peut-on dissocier l’homme de son double.

Qu’ils revêtent une identité civile comme le suggère Tim Burton avec Batman (pour lui, le masque est celui du visage de Bruce Wayne) ou qu’ils soient indissolubles de leur vocation comme l’explique Davide Carradine dans Kill Bill (Clark Kent et Superman ne forment qu’un), les justiciers en collants ne possèdent pas de personnalités multiples, mais une unique, fragmentée, afin de se conformer à leurs activités. Et on regrette d’ailleurs que les scénaristes et réalisateurs n’aient pas insisté sur ce point, à l’aide de la figure d’Heather Glenn (psychiatre renommée).
Le problème Muse
La protagoniste sert davantage à introduire Muse, nouvelle némésis de Daredevil, au lourd passé et hantée par de nombreux problèmes d’ordre psychologique. Créé en 2016, le vilain est doté de plusieurs pouvoirs surnaturels dans le comic book, dont la capacité de devenir indétectable, y compris par les sens ultra-aiguisés de Daredevil lui-même. Cet antagoniste assez fascinant comblait un vide dans le paysage du super-héros (tout comme quand Venom avait débarqué dans celui de Spider-Man). Et son arrivée s’avérait quelque part salutaire.

Voilà pourquoi son utilisation ici frustre tant les concepteurs n’exploitent jamais les possibilités offertes par le personnage. Dépourvu de ses dons exceptionnels, il est réduit au rang de vulgaire tueur en série, inapte à s’ériger en adversaire crédible. Muse incarne un prétexte au lieu de s’imposer comme une alternative redoutable à Bullseye et au Kingpin. Or, si l’on reprend les paroles de Miles Morales dans Spider-Man : Across the Spider-Verse, Muse symbolise l’ennemi du jour, jetable à souhait, inoffensif et sans saveur. Un comble…
Doit-on s’appesantir sur ces écueils ou louer les réelles qualités de Daredevil : Born Again ? Sans se complaire dans la politique du verre à moitié plein, on peut tout de même saluer le travail accompli, au moins par les deux comédiens principaux et les quelques moments extatiques occurrés lors des trop rares confrontations homériques.
Série américaine créé par Dario Scardapane, Chris Ord et Matt Corman avec Charlie Cox, Vincent d’Onofrio, Margarita Levieva. Saison de 9 épisodes disponible sur Disney+ depuis le 16 avril 2025.
L’avis de Mathis Bailleul : Daredevil : Born Again souffre logiquement des réécritures et reshoots. Et si c’est raccord avec l’âme fracturée du justicier, on retient surtout l’ingéniosité déployée pour produire une suite honorable et audacieuse à la série aînée modèle… quasiment sans Daredevil ! Passionnant.
François Verstraete
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