Il y a quelques années, Leonardo DiCaprio recommandait de ne pas jouer dans des films de super-héros, car cela nuisait grandement à la carrière d’un comédien. Ce conseil, Gene Hackman, cet immense interprète à la palette éclectique, ne l’aura pas suivi puisqu’il avait endossé les traits du maléfique Lex Luthor, la Némésis de Superman, pour le compte de Richard Donner. Un choix insensé, pour l’argent diront certains, incompréhensible, mais qui reflète pourtant l’énorme ouverture d’esprit et la polyvalence de l’homme.
Récompensé par de multiples prix, dont l’Oscar à deux reprises, Gene Hackman s’est illustré chez les plus grands : William Friedkin (French Connection), Francis Ford Coppola (Conversation secrète), Clint Eastwood (Impitoyable) et s’est distingué dans d’autres productions indépendantes telles que Mississippi Burning ou La Famille Tenembaum. Et si sa présence s’est raréfiée depuis les années deux-mille (hormis quelques apparitions dans des documentaires), son aura est demeurée intacte au fil du temps.

Une gueule, une voix, un talent
Quand on cite les comédiens au visage atypique de l’Histoire du cinéma, on pense inévitablement à James Cagney ou à Spencer Tracy (même si les générations contemporaines ne connaitront que Ron Pearlman). Et si les traits de Gene Hackman ne sont pas autant distinctifs, ils le caractérisent suffisamment pour qu’on l’identifie immédiatement et que son charisme naturel transpire à l’écran. Certes, il n’avait rien d’un jeune premier. Néanmoins, il dégageait une authentique puissance d’évocation, soufflant le chaud et le froid, incarnant le flegme à l’ancienne et la brutalité.
Reconnu pour ses prestations dans les productions du Nouvel Hollywood, il avait débuté lors de la chute de l’ère classique, héritant d’une certaine manière, des qualités des noms illustres qui l’ont précédé. Sa voix unique et son indéniable talent auront imprégné French Connection, Conversation secrète et Superman. Gene Hackman y démontrait sa versatilité, instillant dans son jeu, quand cela était nécessaire, la frénésie, la paranoïa, la grandiloquence et même l’humour. Un savoir-faire dont Clint Eastwood tirera parti pour son sommet Impitoyable.

Daggett, un rôle, une apogée
Certes, le long-métrage d’Eastwwod ne constituait pas la première expérience avec le genre pour Gene Hackman. Il avait déjà tourné dans de nombreux westerns durant les années soixante-dix et il avait fait un passage remarqué pour Sam Raimi dans le très surestimé Mort ou Vif. Cependant, c’est bel et bien le rôle du shérif Daggett qui fera entrer Gene Hackman dans le panthéon des cow-boys du cinéma. Los d’un entretien, le réalisateur expliquait qu’il désirait un très grand pour incarner son protagoniste et que le nom de Gene Hackman s’était avéré par conséquent naturel.
La raison était simple, Daggett nécessitait une approche subtile, tant il prônait tout et son contraire, la sécurité tout en exerçant son devoir avec violence, affichait son intelligence, mais se montrait méprisant, convaincu de la noblesse de sa tâche. Et Gene Hackman délivra une performance fabuleuse dans la peau de ce salaud peu ordinaire qui lui vaudra de remporter l’Oscar du meilleur acteur pour un second rôle. À l’image des cinéastes ayant encore recours à la litote, il n’avait jamais besoin de s’égosiller en pure perte, de gesticuler pour exister.
Voilà pourquoi le septième art perd l’un de ses derniers grands représentants, une icône incontournable, une légende avec tous les superlatifs qui accompagnent ce terme si souvent employé à mauvais escient aujourd’hui.
François Verstraete
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Il était effectivement magistral dans les rôles de salauds, tout en subtilité et justesse. Ça perçait l’écran…