Victorieux du « dragon des mers », le juge Dee, enquêteur officiel impérial s’est vu remettre « dragon docile », une arme redoutable et symbole suprême du pouvoir. Jalouse de sa notoriété grandissante, mais également de la confiance accordée à ce dernier par son époux, l’impératrice complote dans le but de lui dérober la relique. Ses agissements ne vont pas tarder à impliquer de dangereux renégats bien décidés à faire chuter l’empire.

Les années passent, Tsui Hark ne change pas et persiste à tourner des longs-métrages d’aventures en costume d’époque à l’heure ou wu xia pian, western et autres films de cape et d’épée sont passées de mode. Celui que l’on surnommait un temps le Spielberg chinois a vu sa popularité et le succès poindre de nouveau ces dernières années après les réussites en demi-teinte que furent Seven Soldiers ou Legend of Zu. Tout comme son comparse John Woo qui renaquit de ses cendres avec Les 3 Royaumes, Tsui Hark est lui, revenu sur le devant de la scène avec la saga Detective Dee adaptée d’une célèbre série de romans néerlandais eux-mêmes inspirés par la figure du juge Ti, personnage historique du folklore chinois.

Après deux premiers volets particulièrement réussis, Tsui Hark accouche d’un dernier opus qui ne lésine pas sur les moyens mis en œuvre pour un spectacle toujours plus grandiloquent, la preuve en est au vu des soins apportés aux effets spéciaux. Quant au scénario, le cinéaste ne change pas une recette gagnante jusqu’à présent et mène une enquête tambour battant, aux contours labyrinthiques saupoudrés d’intrigues politiques fort piquantes.

Prestidigitation ultime ?

Pourtant, il est légitime cette fois pour le public de ne point adhérer à ce nouveau chapitre, tant, plus le récit s’écoule, plus la frénésie narrative et visuelle du long-métrage génère une regrettable tendance à lasser voire à agacer. Les relents des mauvais jours pointent leur nez même si le fâcheux souvenir de l’adaptation de A Wicked city paraît bien loin maintenant. Néanmoins, la débauche sonore et pyrotechnique affichée peut avoir raison du fan de la première heure. La faute en incombe à une volonté peut être audacieuse, sans doute ambitieuse, mais à la fin malheureuse de souhaiter enfanter une sorte de méta film asiatique de genre regroupant où monstres, fantasy, arts martiaux et époque feraient bon ménage. Peine perdue ici.

Cependant, malgré la gesticulation incessante de la caméra, il est intéressant de s’attarder sur deux aspects judicieux du long-métrage, et nullement innocents. Le premier sur la notion d’illusion qui joint également avec le principe d’effets spéciaux. Désirant rompre avec les légendes et les superstitions qui ont intronisé le wu xia, Detective Dee : La Légende des rois célestes est une œuvre à même de faire grincer des dents, car elle tend à démystifier l’aura des compositions d’antan y compris celles du metteur en scène lui-même en soulignant que les subterfuges déployés sur des yeux incrédules ne doivent point prendre le pas sur la raison et la logique. Quand on connait le rapport précoce entre Tsui Hark et les effets spéciaux, eux-mêmes artifices servant de leurre, l’amalgame entre ces deux éléments relève aussi bien de la cocasserie que de la référence assumée.

En outre, il convient de revenir sur les ingrédients romantiques récurrents chez Tsui Hark. Entre vaudeville et tragédie, sens du devoir et de la passion, vertu et retenue, la romance pour le cinéaste cantonais se singularise par un désir non consommé au profit de valeurs somme toute superflues. On se remémore de l’auteur Green Snakes et son adaptation des amants papillons The Lovers. D’ailleurs, c’est bel et bien un retour aux sources pour cette Légende des rois célestes pour Tsui Hark, tant son obsession pour la philosophie et la sagesse transparait ici comme dans Green Snakes justement.

Jamais à court d’idées pour se lancer dans une course absolue à l’esbroufe, Detective Dee : La Légende des rois célestes se délecte un peu trop comme un dessert gargantuesque après un repas déjà fort copieux. Si la digestion devient des plus difficiles, il faut reconnaître en revanche la passion et l’inventivité d’une cuisine vieille de près de quarante ans que son artisan n’a point rendue amère avec le temps.

Film chinois de Tsui Hark avec Mark Chao, Feng Shao Feng, Gengxin Lin. Durée 2h12. Sortie le 8 août 2018

François Verstraete

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