Le récit de la fuite de l’armée britannique lors du siège de Dunkerque, après la déroute des alliés en mai 1940.

Le nouveau projet de Christopher Nolan a suscité depuis plusieurs mois bon nombre d’interrogations davantage que les attentes habituelles des fans ou encore d’éventuels espoirs. Et les trailers faméliques ont accentué l’aura de mystère le concernant. En outre les sceptiques (qui le resteront après avoir vu le film) craignaient et vont désormais reprocher l’absence des troupes françaises à l’écran, principales héroïnes oubliées de ce combat.

Cependant, le concept de hors-champ n’est point maîtrisé par un large public qui ne comprend que ce qu’il regarde. Avouons le d’entrée pour balayer toute polémique, même si aucun plan ne présente les Français en action, ils ne sont point omis. Évoqué dans plusieurs dialogues clés, leur lutte explique que les unités allemandes ne déferlent pas sur la plage. Il ne faut se souvenir que le septième art, à l’instar de la littérature, existe pour faire travailler notre intelligence et l’implicite est préférable à l’explicite.

Changement de cap

Le choix d’adapter cet épisode tragique de la Seconde Guerre mondiale relevait de la gageure tant il est oublié au profit de faits plus glorieux, mais il permettait au cinéaste également d’explorer un nouveau genre, lui l’auteur de polars, odyssées d’anticipation et autres croisades super-héroïques. Adepte d’un style épique propice aux envolées lyriques à l’occasion pompeuses, Nolan ne laisse personne indifférent, agace tout autant qu’il fascine, ne révolutionne rien mais accouche en général de fresques efficaces où l’humain tient une place prédominante dans son accomplissement ou sa chute. En s’’attelant pour la première fois à un tel ouvrage , on pouvait craindre un succès technique bariolé par une vision grandiloquente.

Pourtant, il n’en est rien à l’arrivée, Nolan parvient au contraire à surprendre premièrement en ne réalisant pas un film de guerre comme tous l’entendaient. Ne comptez pas voir La Ligne Rouge ou encore Il faut sauver le soldat Ryan. Le conflit ici n’est qu’une toile de fond prétexte si ce n’est à un discours différent, au moins à un autre récit. Coppola parlait du Viêt Nam et plus seulement de la guerre qui s’y déroulait. Cimino s’attardait sur l’épopée d’immigrés et leur intégration par rapport à la guerre. Nolan lui traite de la survie même si son propos est étayé souvent avec maladresse. En revanche, à l’instar de ses illustres aînés, il se résout à ne pas montrer la bataille dan son ensemble évitant l’imagerie homérique et refuse le côté spectaculaire de l’action à outrance, le distillant avec parcimonie.

Christopher fait du Nolan

Et lorsqu’arrive le temps de l’affrontement, c’est peine perdue, quelques plans suffisent à comprendre la déroute de l’armée britannique. L’ennemi est soit invisible comme durant l’impressionnante scène d’exposition, intouchable quand il pourfend les airs impunément, ou vient même de l’intérieur. La place du voisin est souvent plus envieuse et plus apte à être sauve. Ce n’est plus une guerre qui se dévoile sous nos yeux mais plutôt le portrait terrible de soldats inconnus abandonnés à leur sort et incapables de se révolter.

D’ailleurs la gestion de l’attente et du temps est magnifiée par la caméra du cinéaste ; espérer un bateau de fortune, se mettre à terre en anticipant la chute des bombes, décompter le carburant qui reste… chaque moment est une éternité. Un mois, une semaine, une heure pour éviter l’apocalypse. Mais Nolan ne se contente pas d’exceller dans ce seul domaine. Il s’approprie aussi les espaces comme rarement, accentuant le côté anxiogène du contexte.

Il filme à hauteur d’homme comme Eastwood sur Lettres d’Iwo Jima pour mieux capturer les émotions de chaque protagoniste les rendant d’autant plus crédibles et réels que peu sont nommés au cours du long métrage. En outre, sans jamais recourir à un montage frénétique, la narration s’avère limpide, ce sans céder aux travers d’un rythme dénué de répit, trop employé fréquemment. En revanche, il est regrettable que Nolan abuse encore une fois d’artifices emphatiques sur la fin, se croyant encore et toujours plus grand que son sujet.

Par conséquent, Nolan accouche d’une ode à la vie humaniste inattendue, intelligente, décomplexée et efficace en lieu et place d’une épopée animale désespérée. Certes Dunkerque continuera à alimenter les répliques assassines injustifiées de ses détracteurs mais aussi les éloges un brin trop appuyés de ses admirateurs. Pourtant, Nolan aujourd’hui c’est en quelque sorte le David Lean d’antan. S’il ne peut se comparer aux vrais mastodontes de la nouvelle et ancienne génération (James Gray, Bong-Joon Ho, et bien sûr Scorsese, Lynch Eastwood et Coppola) tout comme Lean n’égalait point Ford ou Mankiewicz, il appartient à cette race de réalisateurs capables de hisser une humble production à un rang auteurisant par sa seule ambition. Et quand le caractère et somme toute, le talent s’allient cette ambition, le fruit de son labeur n’a pas à rougir de sa qualité à défaut de s’élever à un statut qui le ferait entrer dans la cour des très grands.

Film américain de Christopher Nolan avec Fionn Whitehead, Tom Hardy, Mark Rylance. Durée 1h47. Sortie le 19 juillet 2017.

https://www.youtube.com/watch?v=XmyVvtDxA5A

François Verstraete

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