Chef d’entreprise avisée, Michèle incarne la femme forte et sûre d’elle. Sa vie bascule quand elle est sauvagement agressée à son domicile. Prête à tout pour retrouver son assaillant, elle commence alors une chasse délicate capable de la mener au bord du gouffre.

C’est l’histoire d’un réalisateur trop américain pour les Européens et trop européen pour les Américains. Controversé, sulfureux, violent, le cinéma du Hollandais possède néanmoins une véritable identité : un regard acerbe et cynique sur le monde auquel s’ajoute un humour caustique dévastateur. Son œuvre est elle-même éclectique, le metteur en scène n’a eu de cesse de transgresser les genres du film noir à la science-fiction, du mélodrame au film de guerre. Et s’il a pu lasser ou laisser pantois spectateurs et critiques,

Avec Elle, il revient en force après un fabuleux Black Book injustement passé inaperçu. Il s’approprie ici l’univers cher à Chabrol, celui de la bourgeoisie française feutrée et un brin décadente, aux personnages ambigus qu’Hitchcock lui-même n’aurait pas renié. Après une séquence d’exposition choc, Verhoeven met en place les pièces d’un puzzle aussi malsain que jouissif, poussant les nerfs du public dans ses derniers retranchements. Isabelle Huppert détonne dans ce rôle de femme forte et gracile au vécu et à l’attitude trouble. Elle rejoint le panthéon des protagonistes fatales faussement innocentes, si appréciées par le réalisateur, de Jennifer Jason Leigh à Sharon Stone en passant par Catherine Van Houten.

La féline

Comme à l’accoutumée, Verhoeven s’interroge sur la monstruosité des victimes, leur propension à faire le mal et à se muer en coupables. En évoquant des antécédents douloureux et au combien suspicieux, Michèle ne devient plus objet de compassion, mais tout à coup de répulsion ! Sa lente descente aux enfers relève plus de la catharsis expiatoire que de l’agonie traumatisante. Trouble personnage que cette femme apte à renverser les situations inextricables par un déni dévastateur, comme les bons mots qu’elle emploie afin de clore des dialogues aussi truculents que déconcertants.

Jamais à court d’idées pour mettre en péril ses protagonistes, par le chic ou par le choc, capable à la fois de la sobriété la plus classieuse et de la crudité extrême, Verhoeven interpelle, provoque et détonne. Plus que jamais arrivé à maturité, il signe avec Elle non seulement un retour fracassant, mais également peut être le meilleur long-métrage de sa carrière, insufflant un vent nouveau à son œuvre. Nul doute que Chabrol aurait apprécié.

Film franco-hollandais de Paul Verhoeven avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny. Sortie le 25 mai 2016. Durée 2h10

Verstraete François

 

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