Ancien pilote automobile, Ruben Cervantes est dorénavant le patron d’une écurie de Formule 1 au bord de la faillite. Afin de sauver son entreprise, son équipe doit absolument gagner une course avant la fin de la saison. Pour y parvenir, il recrute son rival d’autrefois et ami Sonny Hayes, prodige déchu vieillissant qui participe désormais à divers rallyes ou compétitions motorisées très âpres de par le monde. Ruben espère que ce dernier dynamisera sa vedette, Joshua Pearce.

Quelques cinéastes ont échappé au couperet des studios hollywoodiens après avoir essuyé plusieurs échecs consécutifs au box-office. Un véritable mystère que les conspirationnistes attribueront à une connivence éventuelle tandis que d’autres argueront que les décideurs auront décelé quelque qualité à ces malheureux. Parmi ces rescapés, on retrouve Joseph Kosinski, le technicien grandiloquent, derrière les éculés Tron : Legacy et Oblivion. Les deux longs-métrages, dotés de budgets très coquets, n’auront pas été rentables en salle. Qu’importe, il a été sauvé puis intronisé par le grand manitou Tom Cruise, afin de réaliser Top Gun : Maverick.

À toute allure

En accouchant d’une suite au film culte, Kosinski s’est attiré les bonnes grâces de l’acteur producteur omnipotent, en lui offrant une ode à son égo, tout en trouvant cette fois la recette du du succès commercial. Auréolé de cette gloire toute fraîche, le metteur en scène s’est vu confié les clés d’un autre bolide, terrestre dans le cas présent, à savoir celui d’un long-métrage consacré à l’univers de la Formule 1, appuyé financièrement par Lewis Hamilton en personne. L’occasion pour Kosinski de délivrer une publicité géante au sport automobile, aidé de Brad Pitt, tête d’affiche gagnante, tout en montrant son supposé talent visuel… ou plutôt son manque d’imagination évidente.

Peu d’idées…

Il faut en effet constater d’emblée l’absence totale de créativité, dans le récit, dans la narration ou bien dans la caractérisation sommaire et surtout stéréotypée des protagonistes. Le nomade solitaire, génial et rebelle, Sonny Hayes, campé par Brad Pitt, apporte son soutien à son adversaire d’hier, afin de redorer son blason, tout en formant à la dure, une génération dont il ne possède pas les codes, de la préparation physique à la communication sur les réseaux sociaux. Pour lui, seule importe la course et les sensations de plénitude qu’elle engendre.

Amis de trente ans

On pourrait se plier à cette trame fonctionnelle, si elle ne reprenait pas grossièrement toutes les ficelles de celle de Top Gun : Maverick. Kosinski ne se contente pas de décliner ses thématiques, il use la corde jusqu’à la rompre, croyant qu’elle ne cédera pas sous les assauts du temps, comme Tom Cruise ou Brad Pitt. Les grognards comptent bien résister jusqu’à leur dernier souffle, quitte à balayer d’un revers de la main toute notion de crédibilité. Certains critiquaient déjà le postulat invraisemblable de Top Gun : Maverick qui voyait son héros aux commandes d’un avion de chasse à près de soixante ans.

Et visiblement, cela ne gêne pas Joseph Kosinski qui se substitue encore une fois à la dure réalité par une pirouette navrante, surtout quand Javier Bardem explique à Brad Pitt que quelques vainqueurs de grand prix étaient des quinquagénaires avancés… De toute façon, il est aisé pour Joseph Kosinski de se justifier en termes de cohérence, en brandissant les noms de compétiteurs existants, Lewis Hamilton ou Max Verstappen en tête et en se concentrant sur des stratégies farfelues, mais amenées avec une telle force de conviction que le public ne se doutera pas de la supercherie.

Dubitatif ?

Mais de belles images

Chez le cinéaste, l’enrobage superfétatoire et futile dissimule tous les écueils d’un navire qui prend l’eau de toute part. L’habillage photo, le décor assez soigné et la retranscription du circuit confèrent à sa reconstitution une solution pour attirer le chaland tout en profitant d’une multitude d’outils numériques et de son budget colossal, qui selon certaines rumeurs avoisinerait les trois cents millions de dollars. Oui, F1 Le Film dispose de moyens conséquents et il se pavane derrière ce nuage de fumée tel le paon qu’évoque Brad Pitt afin de tancer son coéquipier. Images chics et chocs à l’appui, la direction artistique masquerait presque la fraude stylistique à l’écran.

Un plan spectaculaire n’est point synonyme de mise en scène, une logique que Joseph Kosinski ne conçoit absolument pas. Pourtant, il essaie de recourir à certains moments à la litote… pour mieux se conforter dans la douceur insipide de l’illustration quelques minutes plus tard. L’homme ne s’impose jamais en habile faiseur (et réputé comme tel), il confirme en revanche son statut de poseur ultime, célébrant des marques plutôt qu’une forme d’élégance, qui n’appartient finalement qu’aux plus grands.

Bientôt sur la touche ?

Dans l’ombre de Tony Scott ?

Par conséquent, il rejoint son modèle malgré lui, le défunt Tony Scott et se pare de mauvaises pratiques identiques, jamais aidé non plus par un montage inapproprié. Après avoir repris le travail de son aîné avec Top Gun : Maverick, il suit ici les traces de Jours de tonnerre, en s’embourbant dans les mêmes travers, y compris en se conformant aux standards obligatoires. Il ne nous surprend jamais vraiment et la tension de la compétition ne se ressent qu’avec l’emploi d’artifices tapageurs.

Ainsi, on regrette l’option caméra près du sol et des roues, présente dans le Ferrari de Michael Mann, mais il serait insultant de comparer Kosinski à un cinéaste aussi talentueux. En outre, concernant le principe des sensations, la scène du dernier tour de piste n’égale en rien celle fabuleuse, de Le Mans 66 de James Mangold, qui insufflait au passage, toute la poésie et la mélancolie nécessaire à son entreprise. Et les nostalgiques se souviendront de la série d’animation japonaise de la fin des années soixante-dix, Grand Prix, bien plus instructive sur le sujet que F1 Le film (en dépit de détails techniques inexistants) et qui rendait davantage hommage au sport automobile en un seul épisode de vingt minutes qu’en deux heures trente-cinq du long-métrage de Joseph Kosinski.

Le réalisateur devrait apprendre quelques notions de subtilité avant de se passionner sur le programme technologique. Certes, il s’amuse, mais le spectateur beaucoup moins. Et à l’arrivée, on est lassé, éreinté par cette expérience immersive négligée de bout en bout.

L’avis de Mathis Bailleul : F1 Le Film ne brille évidemment pas par son scénario qui repompe tous les tropes désuets possibles et imaginables des films de course auto. Mais quand la dimension stratégique propre à la F1 s’immisce pour apporter du neuf et que les pneus s’usent sur l’asphalte, c’est grisant.

Film américain de Joseph Kosinski avec Brad Pitt, Damson Idris, Javier Bardem. Durée 2h35. Sortie le 24 juin 2025

François Verstraete

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