Employé de banque à Free City, Guy, malgré sa routine quotidienne, aspire à une vie plus exaltante. Un beau jour, il découvre par hasard qu’il n’est qu’un personnage secondaire d’un jeu vidéo à succès. Il va alors se libérer des entraves inhérentes à son code informatique et devenir le héros le plus populaire de son monde.
Les connexions entre univers cinématographique et vidéoludique remontent déjà à plusieurs décennies. Si bon nombre de long-métrages se sont consacrés à la question, peu ont réussi à saisir de façon pertinente les véritables enjeux derrière l’attirail visuel jubilatoire propre à la mécanique de l’ensemble. Les liens entre réalité virtuelle et septième art n’ont en revanche jamais paru aussi ténus. De Tron à Matrix, d’ExistenZ à Avalon, de Nirvana à Ready Player One en passant par Les Mondes de Ralph, le sujet a été traité parfois par les plus grands noms de la sphère rattachée à la culture populaire.
Alors que l’on reproche le caractère esthétique trop vidéoludique justement de certaines œuvres, il est également pertinent de s’interroger comment marier les deux médias astucieusement une bonne fois pour toutes ou du moins célébrer leur union inévitable à moyen terme. Dans cette optique, ceux qui se sont essayés à ce travail d’Hercule ont pour la plupart échoué ; entre le film surévalué des Wachowsky ou celui de Cronenberg, et le shooter mal digéré d’un Spielberg en panne d’inspiration, il y eut peu à sauver excepté la vision audacieuse d’un Mamoru Oshii.
Retour aux notions de base
C’est pourquoi le projet Free Guy avait de quoi intriguer, surtout avec Shawn Levy aux commandes, artisan comique efficace, mais bien loin des préoccupations méta ou métaphysiques des auteurs cités précédemment. Cependant, avec Free Guy, le réalisateur de La nuit au musée réfute une nouvelle étude sur le thème pour davantage se consacrer à ce qu’il fait de mieux : faire rire tout en conservant un goût prononcé pour les références aussi bien à l’univers du vidéoludique justement qu’à la culture populaire…
Ainsi, Shawn Levy dépouille Free Guy des artifices philosophiques souvent mal digérés qui plombaient une grande partie des autres films dédiés et reliés au vidéoludisme. Il revient à des fondamentaux et des archétypes simples, afin de séduire le public, sans d’authentiques ambitions certes, mais nanti d’une sincère candeur juvénile, la même que l’on ressent lorsque l’on joue pour la première fois. Dans une jungle urbaine parcourue par une violence proche de la série GTA, on retrouve donc Guy, modèle du quidam des jeux vidéo, ces personnages secondaires auxquels la plupart des pratiquants ne s’attachent pas, contrairement à leurs homologues cinématographiques.
Sans fioritures
Nulle expérience vraiment transcendantale, si ce n’est un récit d’apprentissage mené tambour battant par un Ryan Reynolds relativement convaincant à défaut d’être réellement émouvant. Si la clé de la vérité pour Guy, celle lui ouvrant la porte du monde des vivants, réside dans le port de lunettes, alors le protagoniste de Free Guy rejoint John Nada, son aîné d’Invasion Los Angeles. Toutefois, si leur combat pour l’émancipation s’amalgame dans la dernière partie du long-métrage, les deux œuvres ne recevront pas le même statut au fil des ans, l’aura culte du film de Carpenter ne sera point dépassée par son cadet.
Cependant, au-delà des apparats ostentatoires coutumiers des blockbusters de genre, Shawn Levy dissimule, pas toujours avec la subtilité appropriée, les contours d’une manœuvre réjouissante à défaut d’être totalement emballante. Quand la romance se superpose à ce parcours initiatique aventureux, le cinéaste sans témoigner d’un brio naturel, fait montre en revanche d’une innocence identique à celle de son protagoniste, rehaussant d’un coup les tenants de sa mise en scène.
Si l’on peut reprocher trop souvent le manque d’ambition de bon nombre d’œuvres du même acabit, c’est justement cette faiblesse qui insuffle tout l’intérêt au dernier bébé de Shawn Levy. Refusant toute prétention, toute velléité, Free Guy évite de gravir une marche trop haute pour lui et touche ainsi par sa simplicité et une certaine forme de limpidité.
Film américain de Shawn Levy avec Ryan Reynolds, Jody Comer, Lil Rel Howery. Durée 1h55. Sortie le 11 août 2021.
François Verstraete
Share this content: