Considéré comme l’un des plus grands talents de sa génération, le sud-coréen Bong Joon-ho rafla tous les suffrages, publics et critiques en 2019, avec Parasite, une fable contemporaine féroce dont il a le secret. En sus d’un joli succès en salles, elle remporta la Palme d’Or du Festival de Cannes ainsi que les Oscars du Meilleur film et du Meilleur réalisateur. Une consécration hors norme pour ce cinéaste dont l’approche rappelle Stanley Kubrick.

S’il use d’artifices pétaradants par moments, c’est pour mieux dissimuler ses véritables intentions et faire preuve, dans le même temps, d’une subtilité peu courante aujourd’hui ; la démonstration de force contraste souvent chez lui avec l’infime détail, anodin de prime abord, mais qui en dit long ; ou comment l’ostentation rencontre l’élégance. Et son portrait des deux familles, amorcé dès le départ, est dessiné à la perfection, le réalisateur faisant montre d’une exécution impeccable dans sa présentation en parallèle.

Gloire au wi-fi !

Ce type de construction prête fréquemment aux lieux communs, à une désagréable sensation de déjà-vu ou au contraire à une ascension trop haute pour celui qui l’entreprend. Cet Everest, Bong Joon-ho le gravit allégrement, en immergeant d’entrée le public chez les Ki-Taek. Un plan resserré sur un frère et une sœur cherchant à capter le wifi, puis déambulant dans un appartement de fortune, en quête du réseau. On comprend très vite que ce foyer survit et subsiste grâce à de menues arnaques. Néanmoins, derrière cette façade coutumière, le cinéaste place ses pions et développe sa stratégie. Il façonne son univers sur une échelle verticale, du logement souterrain des Ki-taek à la somptueuse demeure des Park, bâtie sur plusieurs étages.

Le regard de la gouvernante et de Ki-woo vers la maîtresse de maison, définit le nivellement visuel et formel de l’ensemble. S’élever ou au contraire s’enterrer, notamment sur le plan social, voilà l’un des fondamentaux du long-métrage. Ce socle est d’autant plus affermi par la vision, subreptice de quelques photos ; l’une dévoilant le trophée rapporté par Moon-gwang lors d’une compétition a priori nationale, l’autre les félicitations adressées au patriarche Park. Deux décorations pour deux destins singulièrement opposés, la réussite ne tenant qu’à un fil… auquel les Ki-taek vont désormais tenter de s’accrocher. Et Bong Joon-ho a installé tous les éléments d’un drame unique avec une architecture aux différents degrés de structure.

Film sud-coréen de Bong Joon-ho avec Song Kang-ho, Sun-kyun Lee, Cho Yeo-jeong. Durée 2h15. 2019

François Verstraete

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