Considéré à raison comme l’un des plus grands westerns de l’Histoire du septième art (et l’un des plus grands films tout court), Rio Bravo impressionne par sa construction narrative, son atmosphère et sa démarche formelle. Authentique chef-d’œuvre, il a inspiré nombre de cinéastes, à commencer par John Carpenter et son fabuleux Assaut. Son auteur, Howard Hawks affiche une maîtrise exemplaire tout du long, ce dès une scène d’exposition, qui s’est imposée sans peine, en modèle du genre.

On pourrait rebaptiser les trois minutes trente, qui suivent le générique, le bon, l’ivrogne et le truand. Ce laps de temps, a priori si court, suffit au réalisateur pour présenter à la fois tous les acteurs d’un mini drame en trois actes ainsi que tous les enjeux présents et à venir. Et au delà de la remarquable efficacité du dispositif, on relève une approche dépourvue de tout artifice inutile au profit de la suggestion. Filmée sans paroles, la séquence répond à tous les codes du cinéma muet, musique à l’appui qui ponctue chaque gestuelle, chaque situation.

Aucun son n’est émis, à l’exception du ricanement morbide d’un homme sans foi ni loi. Hawks introduit ses protagonistes avec brio, tandis que la tension va crescendo. L’entrée de Dude dans la taverne exprime toute la détresse du personnage ; hésitant et solitaire, il cherche l’objet de son désir, avilissant, interdit. Puis tout s’enchaîne, en l’espace de quelques secondes; durant lesquelles trois gestes vont symboliser la vertu héroïque, le désespoir et la fourberie.

Le regard de John T. Chance à l’égard de son ancien adjoint, empli à la fois de pitié, de colère et de compassion, définit l’homme et son caractère. Puis survient la violence, celle de Chance qui désire remettre Dude dans le droit chemin, celle de Dude, exaspéré et gêné, envers son bienfaiteur et enfin celle de Barnette, qui s’adonne au meurtre et à la cruauté. Le plan furtif de sa main dégainant l’arme annonce le bruit sourd de la détonation.

L’horreur s’ensuit. Et Barnette sort le sourire aux lèvres. On pourrait croire que l’exposition cesse à cet instant. Mais Howard Hawks renchérit de plus belle. Et c’est avec l’arrestation de Barnette que les premières paroles sont prononcées. Des répliques courtes conjuguées à la résurrection d’un individu à la recherche de son honneur perdu. On le comprend désormais, Rio Bravo parlera aussi bien de la lutte des braves que de rédemption à travers une histoire d’amitié. Un synopsis et des archétypes simples, sublimés par le metteur en scène et présentés avec la manière. Ou comment rappeler que l’élégance ne nécessite en aucun cas une sophistication d’apparat.

Film américain d’Howard Hawks avec John Wayne, Angie Dickinson, Dean Martin. Durée 2h21. 1959

François Verstraete

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