Quatre membres éloignés d’une même famille sont mandatés afin d’estimer une vieille demeure normande leur appartenant et qui doit être démolie dans le but de construire un centre commercial. D’abord réticent, chacun va se prendre au jeu et découvrir les secrets de leur aïeule…
Depuis Le Péril jeune en 1992, Cédric Klapisch est devenu une sorte de rock star glamour du cinéma français, la coqueluche d’une grande partie du public, mais pas toujours apprécié des critiques. Il faut que reconnaître que le réalisateur, certes pas dénué de talent, se noie dans les délices d’un lyrisme racoleur, sacrifiant ses bonnes intentions sur l’autel de la facilité. Ainsi, il s’amuse à jouer avec les rires et larmes du spectateur comme le ferait un musicien fainéant avec son instrument. Il est capable du meilleur (Les Poupées russes) et du pire (En corps), mais surtout de l’inoffensif et sans saveur (tout le reste).
Néanmoins, on peut lui accorder une certaine aisance dans la direction d’interprètes. Et généralement, le gratin des acteurs français le rejoint pour chacun de ses projets, têtes d’affiche confirmées ou prometteuses. C’est encore une fois le cas aujourd’hui, puisque pour son nouveau long-métrage, La Venue de l’avenir, Cédric Klapisch a réuni des noms tels que Vincent Macaigne, Suzanne Lindon, Sarah Giraudeau ou Abraham Wapler (dont l’allure rappelle fortement celle de François Civil). Avec eux, il espère accoucher avec succès de son travail le plus ambitieux, ou comment relier les destins des membres lointains d’une famille à travers le temps. Vaste sujet…

Ce qui nous lie
L’introduction, par de nombreux aspects et par son approche, emprunte énormément à l’un des précédents travaux du cinéaste, à savoir Ce Qui Nous Lie. Et c’est sans doute cette facette du film qui interpelle le plus ; on s’aperçoit que Cédric Klapisch s’aventure en terrain connu et qu’il maîtrise très bien la thématique de la communion de groupe et comment rassembler les électrons libres d’une vaste famille autour d’un axe fédérateur. Tous vont apprendre à s’apprécier, à se découvrir, malgré les différences socio culturelles qui les séparent.
La scène de retour dans le train est éloquente sur ce point, simple, efficace, sans fioritures, portée par un Vincent Macaigne convaincant dans la peau de cet apiculteur altermondialiste. Et comme toujours chez Klapisch, il y a la question de l’introspection pour les protagonistes, sur le sens qu’ils comptent donner à leur existence, dans une période où tout va plus vite, celle des réseaux sociaux et de la productivité reine. Cette obsession qui guide le réalisateur depuis ses débuts n’a pas toujours été abordée avec subtilité, bien que le ton comique adopté à l’occasion s’affranchisse de celui sérieux et ennuyeux donnant lieu aux situations les plus stéréotypées.

De fait, l’interrogation générationnelle, sur ce qui perdurera et s’évanouira dans les limbes de l’oubli, relève de la réflexion pompeuse. On saisit très vite que l’auteur ne possède pas le savoir-faire nécessaire pour contribuer à un débat qui le dépasse. C’est dommage, surtout que sa reconstitution du Paris de la fin du dix-neuvième siècle ne démérite pas, bien qu’elle s’accroche à certaines idées préconçues, à même de servir son dispositif ; entrelacer deux époques.
L’impuissance du cut
Dans cette optique, Cédric Klapsich s’appuie sur un montage percutant au cut précis, à même de fondre en un clin d’œil passé et présent, faisant par conséquent voyager le spectateur au même moment que les personnages. Ce procédé opère par séquences symétriques pour mieux illustrer les analogies entre les différentes ères. Et le bât blesse justement dans le principe de l’illustration, Klapisch admet en quelque sorte son incapacité à user d’un soupçon de poésie ou d’un brin de suggestion pour immerger complètement l’observateur attentif dans cet étrange manège.

La comparaison avec deux authentiques triomphes dans une veine identique, ne plaide pas en la faveur du cinéaste. On se souvient en effet du Millenium Actress de Satoshi Kon et de son modèle, Abattoir 5 de George Roy Hill. Les deux longs-métrages bénéficiaient d’un cut tout autant impressionnant autour duquel s’articulait une ode métaphysique mieux ciselée que dans La Venue de l’avenir. Leur discours vis-à-vis des sentiments, de la rédemption ou de l’espoir se nourrissait aussi bien du montage que d’un récit sophistiqué et surtout d’une totale perfection formelle.
Voilà pourquoi La Venue de l’avenir ne remplit pas ses objectifs initiaux, en dépit d’une ambition affichée sans détour. Ni honteux ni convaincant, il s’inscrit à l’arrivée dans la lignée de la filmographie de Cédric Klapisch, un poil sympathique, mais sans éclat.
Film français de Cédric Klapisch avec Suzanne Lindon, Abraham Wapler, Vincent Macaigne, Julia Piaton. Durée 2h06. Sortie le 22 mai 2025.
François Verstraete
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