Héros d’une terre alternative, les Fantastic Four ou 4 Fantastiques vont être confrontés à une menace inimaginable. Une épreuve qui fera vaciller leurs certitudes…

Critiques et public aiment brûler ce qu’ils encensaient quelque temps auparavant. Ce constat, déjà évoqué, s’applique notamment aux films de l’écurie Marvel. Il était de bon ton de vanter leurs vertus et il faut désormais émettre des diatribes à leur encontre. La faute en incombe à une baisse de qualité, mais aussi à un processus de mauvaise foi intellectuelle amorcé par quelques membres éminents de l’industrie cinématographique, qui voient d’un œil défavorable l’hégémonie des super-héros sous l’égide de Disney.

Et il s’avère difficile pour les uns et pour les autres d’inverser une démarche racoleuse, si bien qu’un film estampillé Marvel sera forcément dévalué (dans certains cas à tort comme pour Les Éternels) alors qu’une superproduction d’une franchise concurrente bénéficiera d’une certaine mansuétude, même si elle ne le mérite pas (cela va d’Avatar à Mission Impossible). Voilà pourquoi la sortie des 4 Fantastiques : Premiers pas relèvent du pari de la dernière chance en quelque sorte pour Kevin Feige et son MCU, tant la licence n’est plus en odeur de sainteté, un fait confirmé par ses nombreux revers récents essuyés hormis Deadpool & Wolverine.

Un rôle de plus pour Pedro Pascal

En outre, adapter les aventures de cette équipe surhumaine tient du défi impossible ; ce n’est point la première fois que l’on essaie de les porter sur grand écran, mais les différentes tentatives se sont soldées par un échec cuisant (pour ne pas dire un désastre). Excepté le travail brillant de Brad Bird (Les Indestructibles) s’inspirant officieusement des héros créés par Stan Lee ou Jack Kirby, personne n’a réussi jusqu’à présent à honorer la célèbre famille qui a popularisé la marque Marvel Comics dans les années soixante.

Fort heureusement, cet écueil est désormais corrigé, grâce à la contribution de Matt Shakman, le réalisateur derrière la série WandaVision. Et s’il n’accouche en rien d’un chef-d’œuvre, il parvient à retranscrire l’idéal des épisodes d’origine de la bande-dessinée, celui souhaité par Stan Lee et Jack Kirby tout en s’appropriant l’essence esthétique et narrative du duo mythique.

Tout feu, tout flamme

Si Kirby m’était conté

La genèse triomphale des 4 Fantastiques repose sur le savoir faire combiné du tandem, sur leur collaboration qui fit les beaux jours de La Maison des Idées. Dessinateur génial, qui n’a rien à envier aux artistes illustres franco-belges ou japonais, Jack Kirby conceptualisait avec son crayon, sa vision unique d’éléments, d’environnement et de personnages singuliers. En s’imprégnant de l’actualité, Guerre froide ou conquête spatiale et de l’imaginaire lié à la science-fiction, Jack Kirby inoculait à son univers naissant une direction artistique aussi révolutionnaire que les inventions de Reed Richards.

À la manière d’un Jules Verne, il envisageait une forme de futur en associant les connaissances à sa disposition et sa touche créative. Point d’anticipation, mais un brin de folie qui transpirait à chaque bulle. Cette facette indispensable est traduite avec brio par l’approche de Matt Shakman, qui appose un rendu rétro-futuriste, ancrant le long-métrage dans une ambiance digne des années soixante, celles qui ont vu émerger le talent de Jack Kirby. Cependant, le cinéaste choisit de ne pas imiter son modèle. Par conséquent, le film baigne dans un esprit identique à l’œuvre de Jack Kirby sans en recopier les codes à la lettre.

Non, ils ne regardent pas Superman

Ainsi, si Kirby projetait son quotidien dans l’avenir avec les caractéristiques technologiques probables par rapport à son époque, Matt Shakman, quant à lui décrit des années soixante qui seraient impactées par un regard contemporain, conférant à la nostalgie une dose d’unicité. Ici les vinyles remplacent les dvds ou les disquettes comme objet d’enregistrement, tandis que la course à l’espace est accomplie par une fusée façonnée autant par les ingénieurs d’Apollo que par ceux d’Interstellar. Le résultat impressionne et épouse parfaitement, pour l’occasion, le très bon score de Micheal Giacchino.

It’s clobberin time

Par ailleurs, Matt Shakman n’écarte jamais le composant qui insufflait toute la vitalité à l’entreprise graphique de Jack Kirby, à savoir l’apport de Stan Lee, et son idée simplissime sur le papier, mais novatrice alors, de rendre ses personnages « humains », avec des préoccupations de tout à chacun, afin que le lectorat puisse s’identifier à leurs héros. Cette formule, qui sera reprise bien entendu par le grand rival DC Comics par la suite a ouvert un immense champ de possibilités et se retrouve le plus souvent au cinéma dans la fameuse séquence des origines… totalement absente dans Les 4 Fantastiques : Premiers pas.

L’émissaire de Galactus

Cela n’empêche pas le réalisateur d’appliquer la leçon enseignée par Stan Lee, tel un élève studieux, mais dénué de l’étincelle qui lui permettrait de se hisser au niveau d’un Sam Raimi dans Spider-Man2. Matt Shakman caractérise chaque personnage et leur injecte un minimum d’identité, tantôt maladroitement, tantôt avec justesse. Il a saisi ce qui les définit dans le comic book, tempérance de Reed, spontanéité de Ben, bonté de Sue, verve de Johnny tout en décryptant les failles et les forces de leur petit clan.

On regrette le recours au pléonasme quand il s’attarde sur la culpabilité de Reed vis-à vis de la transformation de Ben tout comme on loue la finesse (relative) déployée lorsque ce dernier se rappelle les jours bénis avant l’accident. Quelques secondes fugaces, un morceau d’archives télévisées visibles depuis la vitrine d’un magasin. Et c’est durant ces instants que se dessinent les limites du long-métrage, dès que Matt Shakman s’aventure hors de sa zone de confort.

Servir et protéger

Cahots sur la route des étoiles

Ainsi, comme dans WandaVision, il n’apprécie guère les passages imposés par le cahier des charges, à l’image du final handicapé par un déroulement maintes fois vu, et qui n’exploite pas suffisamment les capacités de ses protagonistes. Qui plus est, beaucoup regretteront qu’il s’agisse de l’une des seules scènes un tant soit peu homériques de l’ensemble et qu’elle aurait dû recevoir, à cet effet, davantage de soins. Cet écueil est compensé heureusement par une course-poursuite à la vitesse de la lumière assez bien maîtrisée dans son élaboration et dans son rythme.

Du reste, une sensation de déjà vu s’ajoute également quand Matt Shakman évoque le couple formé par Sue et Reed. Son traitement répond à une problématique globale similaire à celle développée dans WandaVision, des divergences quant à l’attitude à adopter (résilience, retenue ou rébellion) ou sujet de la maternité, avec au centre un amour indéfectible. Une routine s’installerait presque si le long-métrage se distinguait par une dispute froide, pendant laquelle Sue use d’une logique raisonnable pour mieux désarçonner son époux.

It’s clobberin time

Quelques moments bienvenus, tout comme ceux prônant une paix illusoire, un monde où tous se concerteraient avec harmonie. Le regard candide du réalisateur se heurte aux préoccupations multiples existantes dans les blockbusters ou les films indépendants hollywoodiens (et d’ailleurs) et il n’essaie jamais de se raccrocher à un quelconque contexte géopolitique, contrairement à ses confrères… ou à ses prédécesseurs. Il préfère plutôt s’immerger dans une utopie où tout serait possible, guidée par une famille à la fois ordinaire et extraordinaire, dont la force repose aussi bien sur les sentiments que sur sa sagesse.

Voilà pourquoi on pourrait trouver Les 4 Fantastiques : Premiers pas naïf et absolument déconnecté des enjeux de notre temps. Pourtant, l’absence de cynisme et de cette supposée noirceur indispensable soi-disant à une œuvre mature, instille ce charme certes désuet, mais terriblement enchanteur.

L’avis de Mathis Bailleul : L’enjeu de ce Fantastic Four tourne autour d’une cellule familiale et d’intimité dans un contexte rétro(-futuriste ici). Donc normal que le réalisateur de Wandavision Matt Shakman accouche d’un Marvel aussi réussi, fascinant et touchant, tout en restant dans les standards Marvel.

Film américain de Matt Shakman avec Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Joseph Quinn. Durée 1h55. Sortie le 23 juillet 2025

François Verstraete

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