Le Marvel Cinematic Universe parviendra-t-il à s’extirper de l’entropie qui frappe la franchise depuis plusieurs années déjà ? S’il est impossible de répondre à la question de manière définitive pour l’instant, il faut avouer en revanche que les dernières productions en date n’ont point aidé le studio de Kevin Feige à émerger la tête hors de l’eau sur le plan artistique. Hormis le courageux Les Éternels de Chloé Zhao, aucun film sorti de l’écurie n’a réussi à se démarquer positivement. En effet, le malade Thor : Love and Thunder, Black Panther : Wakanda Forever, endeuillé de la présence de Chadwick Boseman et l’inepte Ant-Man : Quantumania ont fortement déçu, s’enfonçant un peu plus dans la standardisation reprochée à la licence, voire dans la médiocrité.

Voilà pourquoi public et observateurs attendaient beaucoup des Gardiens de la Galaxie : Volume 3, volet censé conclure la saga initiée par James Gunn en 2014. Sous la houlette du réalisateur, les perdants au grand cœur, de Star-Lord à Rocket Racoon, sont devenus des icônes incontournables du MCU en l’espace de quelques années. Pourtant, en dépit d’un premier épisode assez réussi, la trilogie a souffert d’une suite beaucoup moins maîtrisée. Quant à la pige de James Gunn chez DC, The Suicide Squad, elle a enchanté les uns… et fortement agacé les autres. D’une certaine manière, l’art du metteur en scène concentre tous les composants inhérents au cinéma de super-héros et au MCU, aussi bien ceux qui enchantent que ceux qui irritent. Et Les Gardiens de la Galaxie : Volume 3 ne fait pas exception bien au contraire, il symbolise à lui seul tout le problème !

La méthode Gunn

Le reproche le plus commun émis envers le MCU (mais aussi à l’encontre de beaucoup de films de super-héros) concerne le recours quasi systématique à l’humour, le plus souvent pour désamorcer la tension dramatique. Ce procédé induit l’absence de confiance de la production vis-à-vis de ses réalisateurs, qu’elle juge inapte à diriger les moments d’émotion (d’un certain côté, le manque de savoir-faire évident sur ce point de George Lucas peut donner raison aux décideurs, mais ceci est une autre histoire).

 Trop usité désormais, le principe agace alors qu’il charmait auparavant. Certes, Joss Whedon l’avait employé avec parcimonie et judicieusement sur Avengers. Mais depuis Deadpool puis l’essai de James Gunn sur Les Gardiens de la Galaxie, tous se sont servis de cette recette avec exagération, jusqu’à la nausée. Et James Gunn n’a pas hésité à saupoudrer le tout d’une bonne dose de vulgarité sur The Suicide Squad et sur Les Gardiens de la Galaxie : Volume 2. Dans le cas de ce dernier, s’ajoutaient à ce mauvais goût, un manque de cohésion narrative flagrant (un film à sketches sans liant) et une propension à l’illustration désastreuse (on a compris que la famille constituait la thématique principale à force de répétition).

 Hélas, James Gunn dissémine les mêmes écueils dans ces Gardiens de la Galaxie : Volume 3. Pire encore, ils sont accentués, la faute en incombe à un humour à la limite de l’insipide (les plaisanteries potaches pipi caca) et surtout à un l’ensemble toujours aussi peu homogène. Et comme d’habitude, le cinéaste appuie sur ses préoccupations, quitte à forcer le trait, en désirant offrir des adieux ou une renaissance digne de ce nom à ses protagonistes. À commencer par le destin de Rocket Racoon, unique véritable réussite du long-métrage.

Rocket Man non Racoon

Car si on ne s’extasiera point devant les empoignades successives faussement inventives ou la retranscription à l’écran de l’univers dessiné, on sera touché en revanche par la trajectoire empruntée par le raton laveur pirate, tant le traitement du personnage se rapproche à celui apposé à Frank Darbo dans Super. L’entreprise de James Gunn s’avère rafraichissante même s’il doit délaisser le reste de l’équipe pour cette occasion (et en finir avec le numéro des fameux perdants au grand cœur durant ces périodes de répit). Seul importe alors son protagoniste numérique mis en scène de façon convaincante pour arracher quelques sourires et larmes.

En accordant à Rocket le célèbre récit des origines cher à Richard Donner, James Gunn revient aux fondamentaux pour le pire diront certains… ou dans ce cas pour le meilleur. Sans égaler le Superman de Donner justement ou le Spider-Man de Sam Raimi, le travail de James Gunn s’affranchit des limites et bévues qui transpirent sans cesse, dépassant même les enjeux cosmiques presque futiles du scénario. Les Gardiens de la Galaxie : Volume 3 tiennent ainsi plus de l’apprentissage et de l’apogée d’un seul, au détriment de l’aspect choral désiré au départ.

Vilain de pacotille

De fait, James Gunn expédie les affaires courantes : la relation entre Gamora et Star-Lord est abordée avec hâte et lourdeur, l’évolution psychologique de Drax, Mantis ou Nebula est évoquée de manière sommaire et se conclut sans aucune finesse. Surtout, le réalisateur s’empêtre avec les derniers venus, Kraglin, Cosmo et Adam Warlock. Icône majeure des comics books, celui connu pour être l’antagoniste de Thanos est renvoyé à un rôle de figurant de luxe. On s’aperçoit alors que James Gunn a échoué à étoffer les existences des uns et des autres à trop s’attarder sur Rocket.

Et puis il y a le cas épineux du High Evolutionnary, un personnage plus obscur, mais censé incarner l’opposition ultime. Le public avait raillé la prestation d’Adam Driver dans Star Wars, rabaissant même son talent pourtant indéniable. Quid alors de la performance lamentable de Chukwidi Iwudi dans la peau du High Evolutionnary ? L’acteur rend une copie épouvantable à la limite de la caricature, pas aidé par l’écriture de James Gunn. Le bilan sévère et amer amène à constater que hormis Tom Hiddleston (Loki) et Josh Brolin (Thanos), le MCU a souvent souffert de la qualité de ses super-vilains, malgré leur incarnation par des grands noms (Cate Blanchet, Jake Gyllenhaal etc…).

Est-il au final, préférable de se voiler la face et de se contenter du minimum avec l’histoire de Rocket ? Certainement pas, tant Les Gardiens de la Galaxie : Volume 3 déçoit par ses failles béantes, peut être plus insidieuses que celles présentes dans les dernières ignominies en date du studio. Sans s’enfoncer dans les abysses d’Ant-Man : Quantumania, le long-métrage de James Gun ne mérite pas les éloges attendus, trop mal poli pour être honnête. Et dire que le sale gosse sera aux commandes du prochain Superman…

Film américain de James Gunn avec Chris Pratt, Zoé Saldana, Dave Bautista. Durée 2h29. Sortie le 5 mai 2023

François Verstraete

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