Une plongée dans les coulisses du comic book africain, ses liens avec le Black Panther de Marvel et sa recherche d’identité.

Journaliste, conférencier et essayiste, Xavier Fournier est sans doute le meilleur spécialiste du comic book de super-héros dans l’hexagone. Ses ouvrages consacrés à des artistes tels que Jack Kirby ou au surhomme francophone lui ont valu les hommages des critiques. Et désormais, il officie également dans le domaine du documentaire, aux côtés de son comparse Frédéric Ralière, ce depuis quelques années. Ainsi, ses deux premiers travaux furent salués, à savoir Le règne des super-héroïnes et Super-Vilains, l’enquête.

Aujourd’hui, le tandem revient avec un sujet hautement délicat et passionnant, puisqu’il s’agit du thème du super-héros africain, rarement abordé par les médias non spécialisés. Or, à l’heure où les fils spirituels de Black Panther déferlent sur le continent africain, il était intéressant de retourner aux racines du genre sur le territoire et pourquoi il lui fut si facile de s’y implanter, au-delà des causes liées à la puissance de diffusion américaine. Ce à quoi les deux réalisateurs tentent de répondre à travers les témoignages de scénaristes, dessinateurs et autres sociologues.

Nelson Mandela super-héros

Une question de legs

La grande force du documentaire repose dans sa capacité à retranscrire aussi bien les influences positives ou négatives existantes sur le super-héros africain que le terreau favorable à son émancipation. En effet, les intervenants ne manquent pas de rappeler les traditions et légendes ancestrales, entre magie tribale et pouvoir des masques, qui partagent de nombreux points communs avec les mythes en partie à l’origine de Captain America, Superman et consorts. Tout comme leurs homologues américains, les surhommes africains reflètent quelque part la culture locale.

Et on est très vite fasciné par le récit de leur genèse, au sein d’une époque encore marquée par la colonisation voire l’Apartheid pour l’Afrique du Sud ; d’abord vecteurs de propagande de régimes iniques, les personnages se sont métamorphosés au fil du temps en étendard de l’émancipation. Bien entendu, l’impact occidental se ressent toujours aujourd’hui, à travers Black Panther (dont on retient hélas, surtout sa version du MCU omettant celle de papier, née dans les années soixante…).

Dark Lion, le Batman mystique local

Vers l’avenir

La question de l’identité s’est par conséquent très vite posée, après que l’Afrique ai repris le destin de ses protagonistes en main, affranchie des productions ou producteurs venus d’outre-Atlantique. L’apparition de Captain Africa, figure conçue par un artiste ghanéen, a changé la donne et a permis aux auteurs de rêver, d’accoucher d’œuvres uniques, articulées autour de thématiques telles que l’afro-futurisme ou l’afro-centrisme. Chaque personne interrogée explique clairement les contours de cette évolution et les enjeux qui en découlent.

Par ailleurs, la partie dédiée au comic book Young Nelson (basé évidemment sur Nelson Mandela) interpelle et démontre un savoir-faire en constante progression. Et l’Occident reconnaît le potentiel des prodiges africains tout comme l’industrie continentale attire des talents étrangers (à l’image du dessinateur de Dark Lion). À propos d’industrie, on aurait apprécié de pénétrer dans ses coulisses, bien que les directeurs de maisons d’édition participent au film. Ce sera sans doute pour une autre fois.

Quoi qu’il en soit, Les héritiers de Captain Africa constitue un excellent moyen de découvrir une facette différente du comic book de super-héros. Le média n’est plus l’apanage depuis longtemps des États-Unis ce qui ne l’empêche pas de fédérer les peuples, ce qui était le but de ses créateurs.

Documentaire français de Xavier Fournier et Frédéric Ralière. Durée 53 minutes. Disponible sur Warner Tv Next

François Verstraete

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