Dans un futur proche, Logan n’est plus qu’un homme usé tentant de s’occuper vainement de Charles Xavier. L’apparition d’une mystérieuse jeune fille va le sortir de sa retraite. Il devra alors affronter la meute d’assassins à la poursuite de l’enfant, mais aussi faire face à lui-même.
Depuis plusieurs années, le film de super héros est le genre qui divise le plus le grand public, les critiques, ainsi que les fans de la première heure du matériau original. En effet, on lui reproche le formatage ultime hollywoodien pour les uns, le non-respect de l’œuvre pour les autres ou bien encore la vacuité du sujet ou son omniprésence sur les écrans. À tort ou à raison, le débat a le mérite d’exister même si l’apparence lacunaire du sujet relève plus d’un manque de maturité évident que d’un authentique désastre artistique.

Démystification
L’absence d’introspection et de remise en cause des fondamentaux a empêché au genre de grandir ces dernières années ce en dépit d’un Incassable intéressant et les remarquables Super et Kick Ass. Mais malgré ces tentatives réussies, une véritable interrogation s’avérait indispensable sur ses racines pour parvenir à l’âge adulte. Et la seule façon d’atteindre cet objectif résidait dans une exécution conceptuelle, celle d’un produit balisé pour mieux renaître ensuite dans une direction tout autre, débarrassé de la chrysalide adolescente qui l’emprisonnait. C’est là qu’intervient le travail de Mangold.
Il faut tout d’abord éclaircir un point : non Logan n’est point un chef-d’œuvre, c’est plutôt un chemin de croix nécessaire pour permettre à tout un pan du cinéma de prendre définitivement son essor artistique en appliquant des choix risqués commercialement. En brisant l’icône Wolverine (qui a d’ailleurs relancé le genre en 1999) sous les traits de Hugh Jackman, en exerçant une violence exacerbée sur grand écran réduisant de fait l’accès à un large public et en refusant la dérision adoptée par d’autres essais, Deadpool en tête, Logan ne fera pas que des heureux.

Du sang et des larmes
Adaptant très librement les éléments de la saga Old Man Logan, Mangold n’hésite pas à montrer la crudité même de la réalité si éloignée et si proche du sujet. Ces dernières années, la tâche du genre a été de rendre plus crédible que possible l’existence des surhommes dans notre quotidien. Pourtant, ils redeviennent ici légende urbaine, y compris le plus important, la vertu de l’héroïsme. Mangold s’amuse à fustiger des valeurs et des exploits finalement très différents d’un monde en déliquescence. Dans Logan, on meurt, on souffre, on survit. Le héros n’en est point un, il cherche vainement une raison à sa quête quand bien même son origine provient de sa chair et de son sang.
Il n’y a pas d’espoir, pas de rédemption, juste le carnage, justifié et justifiable. La morale, la séparation entre le bien et le mal n’a jamais paru aussi ténue dans les films de ce type. Et pourtant à l’intérieur de ce vacarme, on trouve les liens fondamentaux, ceux de la famille, ceux que l’on avait perdus. Mangold appuie son discours en habile faiseur, par une narration épurée, lente, inexorable bien loin du rythme décousu des dernières productions. Quant à Hugh Jackman, il redevient crédible dans le rôle de son personnage fétiche, une vraie surprise tant ses précédentes prestations furent très limitées dans la peau du célèbre mutant.
Certes le film rebutera bon nombre de spectateurs : pas assez proche de la saga, trop froid, trop violent, bref de prime abord un condensé de ce que l’on reproche à ce pan de l’industrie. Pourtant, bien que ce ne soit point un chef-d’œuvre, Mangold accouche d’un long-métrage crépusculaire entre Peckinpah et Corbucci, et surtout opère la plus grande démystification d’un genre depuis le travail de Leone sur le western.
Film américain de James Mangold avec Hugh Jackman, Patrick Stewart, DafneKeen. Durée 2h17. Sortie le 1er mars 2017
François Verstraete
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