En course pour remporter de nombreux trophées aux prochains Games Awards (l’équivalent des Oscars pour le jeu vidéo), Metaphor ReFantazio a fédéré public et critiques autour de sa proposition singulière. Alors que l’industrie vidéoludique occidentale peine à trouver un nouveau souffle pour séduire joueuses et joueurs, son pendant asiatique affiche une santé éblouissante et a prouvé au monde entier la qualité de sa production au cours de cette année 2024.

Et en sus d’AstroBot, Black Myth Wukong ou le DLC d’Elden Ring, les développeurs d’Extrême-Orient se sont démarqués dans l’exercice du J-RPG (jeu de rôle japonais), avec des titres de la trempe de Final Fantasy VII Rebirth, Unicorn Overlord, Like a Dragon : Infinite Wealth, Persona 3 Reload, Ys X, Trails through Daybreak et donc Metaphor ReFantazio. Deux mois et demi après sa sortie, il est temps de se pencher sur les raisons de son succès, légitime ou un poil survendu, et de revenir sur l’incroyable ascension d’Atlus, qui démontre que le retard technique n’empêche pas d’accoucher d’une grande œuvre.

Pourtant, l’entreprise s’avérait risquée pour l’équipe derrière les mythiques Persona 3 et 5, tant renouveler leur formule paraissait impossible. Et il est vrai que de prime abord, Metaphor ReFantazio relève davantage de la saga Persona que de la création purement originale. Néanmoins, il possède suffisamment de qualités intrinsèques pour s’élever largement au-dessus de la mêlée.

Repas à l’auberge, classique !

Une fantasy faussement classique

L’action de Metaphor ReFantazio se déroule dans un monde de fantasy dont le roi omnipotent vient d’être assassiné. Son héritier légitime est, quant à lui, victime d’une terrible malédiction et pourrait bien décéder prochainement. Ajoutez à cela un général avide de prendre le pouvoir, une Église dite sanctiste, autoritaire et intransigeante, plusieurs tribus qui ne s’apprécient guère, un racisme exacerbé et vous aurez une idée un peu plus précise de ce tableau certes classique, mais habilement mis en place. Le joueur va lui incarner, un Elda, un membre d’un des peuples les plus haïs, dont la mission sera de sauver son ami de longue date, le prince à l’agonie.

À première vue, l’univers du nouveau bébé d’Atlus s’éloigne drastiquement des bancs lycéens de Persona ou de l’atmosphère anxiogène post-apocalyptique de Shin Megami Tensei. Pourtant, l’ensemble baigne dans une ambiance de fin du monde qui ne dépareille pas avec les autres travaux du studio. Et on n’est nullement surpris par l’oppression sous-jacente permanente qui angoisse protagonistes et population, jusqu’à l’implosion. Metaphor ReFantasio est traversé par des thématiques chères aux auteurs et une ode à la liberté se dégage tout du long, même si une once de noirceur vient transpercer l’idéal promis, entrevu aussi bien par le héros que par Louis : rêve ou utopie…

Et c’est justement sur l’ouvrage mythique de Thomas More, L’utopie, que repose toute la trame scénaristique du jeu, sa finesse et sa profondeur. Les créateurs puisent dans la culture occidentale pour alimenter leur imaginaire (cf Jérôme Bosch) et accoucher d’une esthétique unique, qui n’emprunte pas seulement à l’époque médiévale, mais également à la Renaissance (comme le faisait Games Workshop avec Warhammer Fantasy). En résulte un amalgame assez singulier, très réussi, renforcé par une direction artistique de haute volée, censée dissimuler les lacunes techniques du moteur graphique suranné.

L’utopie, une œuvre étrange

Une formule éculée.… mais efficace

En effet, il faut reconnaître qu’Atlus ne se gêne pas pour utiliser les vieux pots de confiture, quitte à lasser et ne cherche jamais à rivaliser avec l’Occident dans le domaine de la course technologique effrénée qui guide une partie de l’industrie depuis plusieurs années. Et on pourrait reprocher à juste titre l’aspect relativement modeste (pauvre) sur ce plan, du dernier titre du studio, qui nuit en partie à l’immersion, en tout cas selon plusieurs observateurs. En recyclant le principe calendaire de Persona, Metaphor ReFantzio cloisonne l’expérience et réduit drastiquement le sentiment de liberté. Pour les néophytes, pour résumer de manière simple, le joueur doit se plier à certaines échéances afin d’accomplir quête principale et secondaires

En bref, la narration est dictée par des contraintes temporelles…comme dans un long-métrage Le système, quant à lui, concilie différents éléments issus de Persona et de Shin Megami Tensei avec quelques nouveautés assez intéressantes. On retrouve ainsi le combat au tour par tour, les donjons un poil déjantés (et hélas répétitifs sur le plan de l’architecture), le principe des faiblesses ou encore celui des liens avec les autres personnages, qui amplifient l’efficacité de vos pouvoirs durant les affrontements.

En revanche, c’en est terminé pour les fusions puisque le jeu opte pour les archétypes, qui confèrent des combinaisons multiples et des styles très variés pour votre équipe (avec les attaques synchrones appelées symbiose, dévastatrices). La profondeur de cette mécanique implique pas mal de farm si l’on désire débloquer tous ceux existants et les élever à leur niveau maximum. Quant à la difficulté, elle est assez bien dosée bien que le défi s’avère assez ardu à certains moments (comme dans Shin Megami Tensei), notamment pour la quête annexe L’Épreuve du dragon.

Au loin, l’espoir

 Un plébiscite mérité ?

Toutes ces caractéristiques suffisent-elles à justifier un très large consensus autour du jeu, ce depuis sa sortie et un triomphe annoncé à la prochaine cérémonie des Game Awards ? Délicat de trancher, tant la sensation de déjà-vu affectera les habitués des productions Atlus et que les différents revirements du scénario ne surprennent pas toujours. Néanmoins, la méthode éprouvée appliquée par l’équipe de développement permet au dispositif de fonctionner, de transporter avec un minimum d’esbroufe et un maximum de savoir-faire.

L’ambition des créateurs a été de fait quelque part respectée, non pas de faire du neuf avec du vieux, mais plutôt d’atteindre le summum de l’efficacité et de donner vie à peut-être, une franchise, sans oublier l’importance d’une marque de fabrique. En outre, Metaphor ReFantazio doit son succès non seulement à la résurrection du genre entamée depuis le milieu de la génération PS4 et Switch, mais aussi au déclin, en 2024, des firmes américaines et européennes, incapables de se régénérer, si ce n’est à coût de licence achetée à prix fort. L’échec d’un Star Wars Outlaws ne souligne pas tant celui d’Ubisoft ou le recul occidental face au Japon et à la Chine ,mais surtout la lassitude à l’encontre d’une absence d’identité.

Renforcer ses liens

Metaphor ReFantazio ne révolutionne en rien le concept ,mais a la bonne idée de se poser en ce qu’il est : un véritable archétype (à l’instar de ceux proposés par sa mécanique de jeu) de ce qu’il faut faire en matière de profondeur ludique et narrative.

Jeu vidéo développé par Studio Zéro et édité par Sega Atlus. Disponible sur PS4, PS5, STEAM X-Box séries depuis le 11  octobre 2024.

L’avis de Marianne Renaud : Pour les habitués de la franchise PersonaMetaphor: ReFantazio semblait uniquement proposer une réinterprétation des formules connues chez Atlus dans un univers fantasy – combat au tour par tour aux côtés d’entités magiques, temps régi par un calendrier, points de compétence et de relations sociales à acquérir. Les attentes étaient donc modérées, mais l’effet de surprise fut agréable tant le jeu optimise ses acquis pour dépasser les espérances.

Avec Metaphor: ReFantazio, Atlus arrive à l’aboutissement des mécanismes de gameplay développés ces dernières années. Les combats possibles à la fois en équipe au tour par tour et en mode rapide ont été ainsi grandement dynamisés. Le mode rapide évite de perdre du temps sur les ennemis trop faibles (et de farmer au passage) tandis que les combats au tour par tour permettent quant à eux l’affinement des stratégies d’attaque et de défense notamment grâce aux différentes lignes de positionnement des personnages. La multitude d’archétypes et de symbioses (attaques en coopération) possibles enrichit grandement les alternatives stratégiques et complexifie pour le mieux les combats, qui pourraient autrement sembler répétitifs.

Les relations que le protagoniste est amené à nouer et approfondir avec ses alliés donnent lieu à des quêtes secondaires plaisantes. Une occasion de découvrir des personnages attachants dans un monde qui réadapte en partie les codes de la fantasy pour en faire un univers unique en son genre. Une belle réussite!

François Verstraete

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