L’affrontement final entre Ethan Hunt et l’Entité, intelligence artificielle folle qui cherche à détruire la civilisation connue.
On parle très souvent de la saison de trop pour une série télévisée, surtout lorsque l’intérêt du public commence à s’étioler et que les créateurs n’ont plus rien à proposer. Il en va de même au cinéma, quand les franchises juteuses lassent et qu’elles répètent ad nauseam la même recette. Beaucoup pensent au MCU et aux films de super-héros… mais on peut citer également Fast & Furious, James Bond, Jurassic Park, John Wick et Mission Impossible.
Le cas de cette dernière s’avère éloquent ; portée par un acteur soixantenaire à l’égo démesuré, elle devenue l’étendard du n’importe quoi à Hollywood, ce depuis bien longtemps. Les volets signés Brian de Palma, John Woo ou J.J Abrams se distinguent par leur médiocrité tandis que Fallout ou Dead Reckoning incarnent les produits insipides vite oubliés. Voilà pourquoi il serait temps pour Tom Cruise de tourner la page et on espérait que The Final Reckoning était propice au retrait de la vedette omnipotente. Or, sans déflorer la conclusion du long-métrage, il est désormais difficile d’envisager une sortie avec les honneurs, tant ici, rien ne va.

À bout de souffle
S’il existe une leçon que le cinéma de genre nous a enseignée depuis les années deux-mille, c’est bel et bien la mutation du héros américain en super-héros, avec les retombées négatives, mais aussi positives qu’elle a engendrées. La renaissance du surhomme yankee (bien avant l’apogée du MCU d’ailleurs) sous l’impulsion des X-Men et du Spider-Man de Sam Raimi a relégué les exploits du protagoniste du film d’action traditionnel au rang de figurant inutile, surtout après les attentats du 11 septembre.
Plus personne ne désirait croire alors que John McLane ou Rambo allaient sauver la patrie. Par conséquent, l’orientation de Mission : Impossible – Protocole Fantôme, opus conçu par Brad Bird relevait du bon sens. En déconstruisant quelque part l’image invincible d’Ethan Hunt et de Tom Cruise par la même occasion, le cinéaste repoussait les limites supposées de la saga, comprenant qu’aller plus loin dans la démesure n’apporterait rien quand Captain America et consorts déferlaient sur les écrans.

Et Brad Bird était conscient du fait puisqu’il avait réalisé quelques années plus tôt le formidable Les Indestructibles, long-métrage d’animation super-héroïque de qualité. Avec la vision de Brad Bird, Mission Impossible entrait dans l’ère de la maturité (peu après James Bond), ce, pour son plus grand bien. Hélas, ce vœu pieux s’évanouissait dès Rogue Nation et la licence allait replonger dans ses travers, annonçant sans doute le naufrage final de The Final Reckoning. En outre, la franchise allait au passage s’approprier les pires défauts de ses concurrents pour un résultat racoleur et désastreux…
Méta stupide
En effet, The Final Reckoning a contracté la maladie du fan service, ce virus qui dévaste toute la culture populaire (et même cinéphilique). En cédant aux sirènes des références putassières, Christopher McQuarrie croit fermement honorer l’héritage de ses ainés et surtout séduire les admirateurs de la première heure, avec des clins d’œil forcément dispensables, mais censés être géniaux puisqu’ils touchent à la mythologie du titre (aussi fade quelle soit…).

On reproche déjà à Marvel et à DC de surexploiter cette formule, d’autant plus qu’elle est rarement employée à bon escient et avec subtilité. Pourtant, son utilisation dans The Final Reckoning souffre d’un tel manque de finesse, que l’approche grossière de Christopher McQuarrie amène à réévaluer celle de Deapool and Wolverine, c’est dire. En raccordant maladroitement de nombreux éléments des précédents épisodes de la série, le réalisateur agace tandis que sa démarche occulterait presque les quelques bons points du long-métrage.
Cette entreprise infructueuse souligne à l’arrivée toute la pauvreté d’un scénario indigent, qui emprunte son peu d’idées intéressantes à d’autres films davantage maitrisés. À force d’accoucher d’une œuvre méta (le concept à la mode), McQuarrie parvient à élaborer le parfait amalgame de la stupidité, rassemblant les défauts propres à chaque Mission Impossible. Outre la base du script encore plus sommaire que le 2, The Final Reckoning accumule les séquences invraisemblables et risibles à l’image du massage cardiaque présent dans le 3 tout en incorporant un adversaire ridicule dans la lignée du personnage incarné par Henry Cavill dans Fallout.

Un pour tous, tous pour Cruise
Fort heureusement pour les amoureux de Tom Cruise, The Final Reckoning s’articule principalement autour d’Ethan Hunt, offrant encore une fois la possibilité à son interprète de s’adonner à des prouesses physiques hors normes et à des numéros de haute voltige. Néanmoins, ces scènes spectaculaires s’étirent tellement dans la durée qu’elles perdent de fait en intensité.
Par ailleurs, elles se signalent par un manque flagrant de crédibilité, justifié pour renforcer la performance du comédien. Le long-métrage se mue en ode qui lui serait dédiée et se met, par conséquent, au service d’un dangereux culte de la personnalité. L’acteur n’a même pas besoin de son charisme naturel pour éclipser l’ensemble de la distribution puisque tout est orchestré pour qu’il s’érige en astre solaire autour duquel tous doivent graviter. Cette posture malhonnête sacrifie ainsi le reste des protagonistes sur l’autel du dieu Cruise, car il ne faut en aucun cas vexer sa majesté.

Et la première victime de ce procédé inique n’est autre qu’Hayley Atwell pourtant excellente dans Dead Reckoning (et authentique satisfaction de ce long-métrage). Désolant ! Surtout, on s’amuse d’un contraste évident ; alors que l’on clame pendant tout le film que l’équipe prime aux yeux d’Ethan Hunt, l’individualisme de son alter ego détruit l’intérêt initial du concept originel de Mission Impossible : celui de suivre un groupe d’espions refusant l’esbroufe de 007 et qui font corps devant les difficultés.
Il serait donc temps de sonner la fin de la récréation pour Ethan Hunt et la saga en général, tant on ressort éreinté de ce navrant marathon visuel de près de trois heures, frôlant l’ineptie permanente et qui s’inscrit dans un climat général médiocre.
Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Hayley Atwell, Ving Rhames, Simon Pegg. Durée 2h51. Sortie le 21 mai 2025.
L’avis de Mathis Bailleur : Mission : Impossible –The Final Reckoning est la conclusion d’une saga qui n’aura cessé, jusqu’à sa toute fin et donc dans cet ultime épisode, de repousser les limites du possible. Ça passe avec une certaine naïveté et maladresse ici, mais témoigne surtout d’une touchante sincérité.
François Verstraete
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