Après la Catastrophe, les corps de Ne Zha et d’Ao Bing sont brisés, mais leurs âmes sauvées. Taiyi utilise un puissant artefact pour les régénérer. Tout se passerait pour le mieux si une ancienne menace n’allait s’abattre sur eux et sur les leurs…
Force est de constater que le septième art chinois oscille entre œuvres propagandistes et coup de poing politiques censés éveiller les consciences, ce depuis de nombreuses années déjà. Ainsi, les démarches de Zhang Yimou et de Jia Zhangke s’avèrent diamétralement opposées tandis que Guan Hu navigue entre deux eaux, tant La Brigade des 800 et son superbe Black Dog opèrent à contre-courant. Par ailleurs, le cinéma de divertissement local bat désormais son plein et n’a plus rien à envier (ou presque) à ses concurrents occidentaux, en termes de démesure et surtout de moyens mis à disposition des réalisateurs.

Par conséquent, le public attiré auparavant par Avengers : Endgame et consorts se tournent vers des superproductions nationales, à l’image du récent Creation of the Gods II et de Ne Zha 2, deuxième volet d’une franchise d’animation, inconnue jusqu’à présent dans nos contrées. Or, cet opus débarque avec une aura indéniable puisque le long-métrage de Yang Yu a amassé près de deux milliards de dollars dans les salles chinoises et s’apprête donc à conquérir le reste du monde, quitte à menacer la suprématie d’Avatar ou d’Avengers.
Et si certains voient cette popularité d’un mauvais œil, cela ne doit pas empêcher de nourrir une certaine curiosité vis-à-vis d’un phénomène singulier. En effet, sans égaler les grandes heures de l’animation japonaise ou des studios Pixar, Ne Zha 2 abat crânement son jeu, dévoile ses atouts, certes pas tous charmants, mais suffisamment intrigants pour que l’on se penche sur son cas.

L’héritage de Hong-Kong
D’une certaine manière, Ne Zha 2 utilise les ingrédients classiques d’un film à grand spectacle efficace, en ancrant son récit dans la mythologie du cru, comme l’avait fait par exemple, Creation of the Gods II (qui intégrait d’ailleurs, le personnage de Ne Zha). La culture cantonaise affectionne les histoires qui entrelacent les destins des divinités et des hommes, un détail repris très souvent par l’industrie cinématographique, y compris par celle de Hong-Kong, du temps de son indépendance. On se souvient évidemment des travaux de Tsui Hark et de son Zu et les guerriers de la montagne magique ou de Storm Riders.
Certes ici, on parle d’animation et non de film live, mais cela ne nuit jamais au sentiment épique désiré par Yang Yu. Dans sa démonstration, il est vrai par séquences grandioses, Ne Zha 2 n’a rien à envier en termes techniques, à ses homologues japonais ou américains. Les combats homériques se succèdent tandis que le cinéaste s’amuse avec les pouvoirs démesurés de ses protagonistes, capables de balayer des hordes d’ennemis d’un claquement de doigts et d’affronter la colère des esprits divins. Des super-héros sauce chinoise ou plutôt les héritiers d’Andy Lau et consorts.

En outre, l’intrigue alambiquée recèle son lot de mystères et de complots, dans la lignée des wu xia d’antan. Bien entendu, la forme adoptée est bien moins sophistiquée, mais l’effort mérite d’être salué. Sans surprise, le scénario repose sur une mécanique fonctionnelle et s’accorde avec la frénésie visuelle à l’écran, sans sombrer dans une facilité racoleuse… exceptée dans l’exposé de ses enjeux dramatiques.
Initiation et dichotomie
La caractérisation de ses personnages repose en effet sur des ressorts très simplistes, parfois lacrymaux, pour davantage circonvenir à un jeune public. Néanmoins, en étoffant la relation entre Ne Zha et Ao Bing grâce à une pirouette déjà vue, mais efficace, Yang Yu dessine des portraits à la fois convenus et touchants avec la dose d’humour indispensable dans ce type de cas. Les deux héros partagent un unique et même corps à tour de rôle, ce bien malgré eux et doivent satisfaire les désirs des autres afin d’accomplir leur mission.

Ce procédé possède quelques avantages, mais finit hélas, par lasser. On comprend que Ne Zha conserve le beau rôle et que les instants durant lesquels Ao Bing l’éclipse, sont nécessaires, mais forcés. La dichotomie s’affiche sans subtilité ; le yin et le yang, le bien et le mal, le feu et la glace, la grâce et l’apparence ingrate. Ne Zha grandit dans une ombre, mais son enfance n’est réduite qu’à quelques jeux fugaces et joies éphémères. Ce constat cruel n’induit qu’une seule chose, pour s’émanciper, il faut faire fi de ses chaînes et imposer sa propre force !
Propagandiste
Dès lors, l’envie de hurler à la propagande se profile. Il est vrai qu’un long-métrage d’animation, destiné avant tout aux enfants et adolescents, constitue un excellent moyen de diffuser un message de nature politique, surtout quand il épouse en grande partie, certaines valeurs véhiculées par une puissance totalitaire telle que la Chine. Ici, on devine toute la symbolique liée à la résilience de la famille, la place de la mère ou encore être capable de se relever face aux assauts fourbes venus de l’intérieur ou de l’extérieur.

Surtout, on incite au changement, non pas sur le principe d’un régime précis, mais bel et bien en faveur du renouvellement générationnel requis pour pérenniser l’avenir d’un royaume… ou d’un pays. Des idées instillées au compte-goutte, à travers quelques échanges de coups ou embrassades, afin de s’imprégner dans les esprits, sans le marteau piqueur déployé par Zhang Yimou. Et cette mauvaise pilule digérée, on s’aperçoit que l’essentiel est ailleurs.
Ne Zha 2 ne devrait être considéré finalement seulement en tant qu’objet de fascination ludique, avec cette puissance d’évocation et cette fausse naïveté qui l’érigent en parfait vecteur d’une industrie émergente, désireuse de rivaliser avec les dragons étrangers.
Film d’animation chinois de Yang Yu avec les voix de Lu Yanting, Joseph, Han Mo, Chen Hao. Durée 2h25. Sortie le 23 avril 2025
L’avis de Mathis Bailleul : Oui c’est visuellement foisonnant, oui c’est épique, oui c’est un bon divertissement, mais va falloir redescendre un peu parce que ce Ne Zha 2 fonctionne surtout quand il fait boom boom. En dehors de ça, c’est laborieux, bien moins inventif et soigné. Donc c’est pas mal mais pas wow.
François Verstraete
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