De passage au Pérou afin de rendre visite à sa tante, Paddington va vire aux côtés des Brown une aventure extraordinaire, qui l’emmènera jusqu’au sommet du macchu Picchu

Grâce à de multiples parutions de livres et de dessins animés éponymes depuis sa création en 1960, Paddington s’est imposé en tant que personnage de fiction les plus appréciés en Grande-Bretagne avant de contaminer le monde entier. Il est donc tout à fait logique que l’ours brun un peu gauche ait été adapté au cinéma pour la première fois en 2014, puis une deuxième en 2017, sous la houlette de Paul King, qui réalisera Wonka en 2023.

Ce diptyque a non seulement conquis le cœur des critiques et du public, mais a aussi connu des scores satisfaisants au box-office. Et voilà qu’un troisième opus voit le jour. Cette fois, la petite bête quitte Londres pour partir à l’aventure et rejoindre sa tante Lucy au Pérou. Dans ses bagages, on retrouve la famille Brown ainsi que de nouveaux compagnons de route pour les guider dans la forêt amazonienne, dont deux habitués des rôles secondaires ces derniers temps : Antonio Banderas et Olivia Colman. Mais après deux apparitions réussies, ce troisième volet vaut-il le coup ?

Petit ours brun

Le dicton dit : « Jamais deux sans trois ». Et Paddington au Pérou tente avec toute la sincérité du monde de faire honneur à cette maxime. Malheureusement, quelques manquements sont à déplorer, et le premier d’entre eux est l’absence de Sally Hawkins (Mme Brown), qui a été remplacée pour l’occasion par Emily Mortimer, ainsi que du réalisateur des précédents opus, Paul King, qui a laissé sa place à Dougal Wilson.

Un autre dicton dit : « On ne change pas une équipe qui gagne ». Mais que se passe-t-il quand elle ne peut pas rempiler ? Faut-il s’arrêter en chemin ou poursuivre l’aventure avec un nouveau groupe ? Bon, vous et moi savons bien que l’existence même de cet article et ce que vous avez lu jusqu’ici nous donne la réponse : les studios ont commandé un troisième film et ont comblé les trous (et un quatrième est déjà dans les tuyaux).

Sister’s act

Le pavé de l’ours, comme un ours, a ses ours

« Bon un p’tit dernier pour la route et après, promis, on arrête avec les proverbes : un seul être vous manque et tout est

dépeuplé ». Et s’il y a bien une chose qui confirme cette citation dans ce volet, c’est l’absence de Paul King. Un vide que Dougal Wilson s’efforce de minimiser, voire de combler, en tentant de singer le style excentrique de son prédécesseur. La copie est presque parfaite, à ceci près qu’elle n’égale jamais la magie, la poésie et l’onirisme de l’original.

Et c’est là que le bât blesse. Ça ressemble comme deux gouttes d’eau à la précieuse marmelade, mais ça n’en a pas le goût. Pourquoi ? Parce que c’est bien moins coloré et déjanté qu’auparavant. Paddington 2 savait transformer l’ambiance terne, grise et morose de la prison en une joyeuse cour de récré pastel. Dans le cas présent, la jungle péruvienne manque autant de cachet qu’une superproduction Marvel.

La famille Brown en ballade

De plus, Paddington restait imprévisible (qui aurait pu envisager ce séjour carcéral ?). Jusqu’ici, les antagonistes étaient à peine voilés (lol) par le scénario, et campés par des vedettes qu’on ne peut tout aussi difficilement masquer (Hugh Grant et Nicole Kidman). Ici, un simple coup d’œil au casting permet de constater que ce qui ressemble à des caméos de luxe servira sûrement d’opposants dans des retournements de situations et trahisons assez devinables, bien typiques des récits d’aventure à la Tomb Raider, Indiana Jones ou encore Uncharted.

Car il est question de cela : un périple dans la jungle péruvienne, avec son lot de ruines, de temples anciens, de babioles à récupérer, de pièges et d’énigmes à déjouer. Et à ce petit jeu, la maladresse de notre protagoniste à fourrure sera une alliée de choix. Cette fois, on ne va pas cracher sur la facilité inhérente à ces gags, mais plutôt en louer les aspects burlesques, absurdes et slapsticks (rendons à César ce qui est à César, tout de même).

Bienvenue au Pérou

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué

Il faut aussi souligner la générosité du long-métrage, qui s’efforce d’être une vraie belle tentative du genre, convenant à tous les âges. Les tropes sont donc bien présents, souvent parasités et déjoués par notre fauteur de troubles au duffle-coat bleu et au chapeau rouge adoré. Quand on vous dit qu’ils essaient de bien faire, ce n’est pas pour rigoler.

Toutefois, le principal problème reste que l’ensemble s’attarde trop sur quête, ce qui empêche les Brown d’exister, réduits à de vulgaires touristes à qui l’on avait promis une expérience exotique all inclusive, et laissant ainsi le champ libre aux nouveaux personnages de l’histoire. Pendant ce temps, la mascotte se contente de se conduire en clown en arrière-plan. Dès lors, le cœur émotionnel de la narration, fondé sur l’ourson et son clan d’adoption, disparaît au profit de la relation père-fille entre les Cabot, qui se chargent de mener les Brown à bon port.

Antonio et son air patibulaire

Tout cela nous amène à révéler l’éléphant dans la pièce : Paddington au Pérou paie cher le prix de ses ambitions, devenant plus une fiction pulp, à l’image de Jungle Cruise de Jaume Collet-Serra et Disney, qu’un véritable long-métrage Paddington lui-même.
Seul le dénouement retrouve l’esprit des premiers films, avec de tendres séquences familiales une direction artistique réveillée, son singulier El Dorado et son dilemme final inévitablement attendu.

La croisière s’amuse, est donc rythmée correctement, se montre divertissante, honnête et honorable à bien des égards, mais perd le souffle caractéristique de sa saga. Il n’y a plus qu’à guetter la réception de ce millésime 2025 pour savoir si les studios avides de profits redresseront la barre avec le prochain, ou si les espoirs se sont fait la malle au moment du départ de Paul King.

Film américain de Dougal Wilson avec Hugh Bonneville, Olivia Colman, Antonio Banderas. Durée 1h46. Sortie le 5 février 2025

Mathis Bailleul

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