Voleur sans envergure, Eddie vit de menus larcins et peine à assumer ses obligations familiales. Il s’introduit alors dans une voiture de luxe et pense décrocher le pactole… mais il se retrouve coincé à l’intérieur, piégé par le propriétaire. Le début d’un authentique calvaire !

Les jours défilent et les critiques persistent à combattre à tort ou à raison les différentes franchises (et plus particulièrement Marvel), tout en prônant l’importance d’un savoir-faire artisanal, même s’ils ne se soucient guère de la qualité de bon nombre de productions autoproclamées indépendantes. Ainsi, raisonnement fallacieux implacable, les films de genre non issus des écuries super héroïques proposent toujours quelque chose d’intéressant, car un peu de tripes et de sexe relèvent d’une réflexion mature. Par conséquent, on étrille bien moins ces travaux et leurs auteurs, en dépit de résultats souvent accablants.

Et parmi ces faux génies du septième art, David Yarovesky se distingue par son amour des concepts audacieux, bien qu’il n’ait point les qualités indispensables pour accoucher de la montagne promise au départ. À l’arrivée, la minuscule souris attise à peine la sympathie, à l’image de Brightburn – L’enfant du mal. Voilà pourquoi, la circonspection était de mise quand le cinéaste s’attela à un énième remake (le troisième à l’étranger) du thriller malin argentin, 4 x 4. Yarovesky allait-il réussir à instiller l’atmosphère anxiogène de son modèle tout en conservant une certaine maîtrise de l’espace ? Une interrogation légitime à laquelle il allait répondre en affichant trop clairement ses ambitions bienvenues et hélas, ses limites…

Anthony Hopkins le tortionnaire

Un mince espoir

Ainsi, il expose très rapidement de belles dispositions, sans briller non plus, en filmant son protagoniste à travers les rues de Vancouver, présentée ici comme une mégalopole typique, cité décadente qui broie les individus et les plonge dans la misère. Le réalisateur adopte une approche naturaliste crue et appose un regard amer sur cet environnement urbain âpre, imitant de fait Martin Scorsese, Abel Ferrara ou encore les frères Safdie. Ces quelques minutes annoncent, dès lors, l’éclosion tant attendue d’un talent, d’autant plus qu’il peut logiquement compter sur le tandem Bill Skarsgard et Anthony Hopkins, au moment de délivrer sa partition infernale.

Les deux comédiens se rendent coup pour coup à l’occasion d’une partie d’échecs mortelle, menée de main de maitre par l’ancien interprète d’Hannibal. Ce dernier s’amuserait presque de son traquenard parfaitement élaboré, remplaçant ici quelques grandes figures de l’épouvante. Sa luxueuse berline se transforme en tombeau ouvert tandis qu’il s’avère impossible pour Eddie de s’extirper de cette carcasse maudite. Yavoresky s’ingénie à le supplicier, en retournant contre lui la violence qu’il déploie dans ses tentatives d’évasion. L’habileté et le manque d’imagination se confondent durant ces séquences de torture chic, prouvant que le metteur en scène est capable du meilleur comme du pire… qui survient bien trop vite sur un panneau publicitaire.

Eddie et ses mauvais choix

Pamphlet en mousse

À l’instar de nombreux homologues, Yavoresky s’adonne à l’illustration, les notions de litote ou de suggestion lui sont en effet a priori inconnues. En outre, il néglige son dispositif et n’embrasse jamais vraiment la teneur de son huis clos meurtrier. Sa gestion de l’espace s’avère calamiteuse et les grands gestes d’Eddie, mêlés aux insanités prononcées n’aident en rien à la démonstration, voire lui ôte toute saveur. Contrairement à des longs-métrages tes que Locke ou Cosmopolis, dont les récits se déroulent également dans l’habitacle d’une automobile, Piégé n’exploite pas suffisamment le potentiel inhérent au véhicule et se complaît dans les stéréotypes.

Le réalisateur préfère s’affranchir de ses devoirs formels pour se concentrer sur une satire sociale, peu convaincante. Certes, il injecte de la bonne volonté dans son cocktail de poncifs et d’idées préconçues. Néanmoins, sa vision de la fracture entre élite et laissés pour compte recèle un aspect tendancieux. En opposant l’astuce du quotidien nécessaire pour survivre avec la rigueur morale née de la réussite, Yavoresky s’aventure en terrain glissant, d’autant plus que les motivations pseudo légitimes de ses personnages déstabilisent. Le nuage de nuance se dissipe peu à peu pour céder la place à une caricature de mauvais goût, ponctuée par une analyse sommaire de la filmographie de Clint Eastwood, réduite à une apologie pour la justice expéditive… une réplique témoignant de la faiblesse de l’ensemble.

Et le public se retrouve immergé dans une marmelade frénétique, coincé comme Eddie dans un engrenage vicieux, qui n’honore en rien celui aux commandes. Il serait donc judicieux de freiner désormais les velléités de virtuoses supposés.

Film américain de David Yarovesky avec Bill Skarsgard, Anthony Hopkins. Durée 1h35. Sortie le 9 avril 2025.

L’avis de Mathis Bailleul : On comprend pourquoi la promotion tournait autant autour de l’implication de Raimi à la production. Hélas Piégé jouit d’un excellent concept, entre 127 heures et Saw, mais peine à surprendre et embarquer avec son moteur trop ronronnant dans les clous des standards hollywoodiens.

François Verstraete

Share this content: