Une chef de clan viking, un ninja et un pilote de chasse de la Seconde Guerre mondiale vont être confrontés au plus redoutable des adversaires… une créature venue du cosmos.
S’il y a bien un long-métrage qui n’aurait jamais dû accoucher d’une franchise, c’est bel et bien le Predator de John McTiernan. Authentique joyau des années quatre-vingt, il symbolisait à la fois tout le savoir-faire de son auteur, mélange des genres (guerre, horreur, science-fiction) tout en renvoyant aux atrocités commises durant le conflit vietnamien. Sa créature sortie tout droit de l’espace bénéficiait d’une esthétique très soignée, dans la lignée des Aliens conçus par Giger pour Ridley Scott. Or, l’héritage de ce travail d’orfèvre fut dilapidé par les studios, qui produira plusieurs suites, sans compter des chassés croisés d’univers avec Alien justement.
On imaginait que rien ne pouvait plus sauver la saga, jusqu’au dernier épisode en date, Prey, destiné à la plateforme Disney +, réalisé par le malicieux Dan Trachtenberg. Encouragés par le plébiscite critique et public, Disney et la Fox décidèrent de confier l’avenir de la licence au cinéaste. Et cette année, le fruit de son labeur arrive enfin sur nos écrans, petit ou grand. Predator : Badlands sortira en salles en novembre prochain et avant cela, c’est un segment animé consacré au chasseur extraterrestre qui débarque sur Disney + ; à savoir Predator : Killer of Killers. Une nouvelle épreuve du feu pour Dan Trachtenberg qui se doit de confirmer les promesses de Prey, aidé dans son entreprise par Josh Wassung.

L’ombre de la proie
Prey avait le mérite d’ancrer son récit au dix-huitième siècle, au cœur d’une tribu amérindienne, dont l’une de ses membres allait devoir affronter un des fameux Predators, toujours avides de traquer un gibier alléchant, des guerriers qu’il estime à sa mesure. En nous plongeant dans le passé, Dan Trachtenberg ouvrait un gigantesque champ des possibles, en refusant d’utiliser le cadre contemporain, déjà mainte fois abordé. Et s’interroger sur comment des individus en retard sur le plan technologique, davantage même que l’équipe menée par Arnold Schwarzenegger, allaient pouvoir rivaliser avec le chasseur.
Cet approche assez malicieuse est de nouveau adoptée dans Killer of Killers, puisque Dan Trachtenberg décide de se concentrer sur trois combattants issus d’ères très différentes ; une matrone viking, un apprenti samouraï devenu ninja et un mécanicien de la marine américaine lors de la Seconde Guerre mondiale, reconverti en pilote, en raison d’une débâcle infligée par l’une des créatures. Afin d’esquisser leur portrait, le cinéaste raconte chacune de leurs mésaventures successivement, à l’aide de sketches.

Efficace, à défaut d’être très sophistiquée, cette posture narrative permet d’établir les fondements de la joute promise pour l’acte final. Bien évidemment, cinq minutes d’introduction pour chaque protagoniste impliquent une caractérisation sommaire, reposant sur des rapports stéréotypés avec leur entourage. Leur motivation première, avant la survie, est nourrie par leur relation filiale, fraternelle, le devoir, l’honneur ou la vengeance. Rien de bien nouveau ni d’excitant de prime abord, surtout quand on s’intéresse de plus près au rendu visuel.
Technique indigente ?
Et beaucoup regretteront sur ce point l’indigence de l’animation, voire détesteront les choix de direction artistique. À l’instar de nombreuses productions du genre présentes sur les plateformes de streaming, Killer of Killers souffrent indéniablement d’un problème technique, faute de moyens et surtout de savoir-faire dans le domaine. Il faut reconnaître que Netflix, Disney + et consorts ne brillent pas quand elles proposent longs-métrages ou série d’animation. Même Arcane, louée aux quatre coins du globe, pêche dans sa mise en scène, pas si inventive, contrairement à ce qui a été clamé.
Or, par souci d’honnêteté intellectuelle, on se doit de distinguer justement l’aspect animation et la forme, une séparation pas toujours appliquée. On reprochait ainsi aux Japonais d’accuser un retard sur les États-Unis dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix sur les principes de l’animation, à tort ou à raison. Néanmoins, on omettait de reconnaître la supériorité nipponne dans la mise en scène d’un Hayao Miyazaki, d’un Katsumo Otoro ou d’un Mamoru Oshii. Fort heureusement, l’opinion a changé au fil des ans.

Voilà pourquoi il est important également de se concentrer sur la mise en scène ici de Dan trachtenberg (pas du tout formé au style de l’animation). Et sa démarche regorge d’idées ingénieuses ; une infiltration parallèle d’un ninja et d’un Predator, une Viking prisonnière de la glace observant son ennemi, ou toutes les références à la dissimulation (arme ultime de l’alien et extrême faiblesse quand son adversaire devient invisible à ses yeux). D’ailleurs, on aurait apprécié que le cinéaste développe un peu plus cet ensemble plutôt que de verser dans le film de super-héros par moments, lorsque chaque personnage accomplit des prouesses surhumaines pour triompher. Un contre-pied illogique à l’opus d’origine…
Quoi qu’il en soit, bien qu’il soit perclus de défauts, ce Predator : Killer of Killers ne démérite pas et injecte par instants une bouffée d’oxygène à la mythologie, sans toutefois la revaloriser. Par conséquent, on attend de pied ferme Predator : Badlands pour se prononcer définitivement sur le statut de Dan Trachtenberg : habile artisan ou imposteur ?
Film d’animation américain de Dan Trachtenberg et Josh Wassung avec les voix originales de Michael Biehn, Rick Gonzalez, Lindsay LaVanchy. Durée 1h25. Disponible sur Disney+.
L’avis de Mathis Bailleul : Le film à sketches Predator : Killer of Killers use d’une structure rébarbative, son défaut majeur. En sachant ça, il joue au maximum des différenciations qu’il peut apporter pour parasiter une ligne soi-disant claire, le tout en nous donnant ce qu’on est venu chercher. Fun et malin.
François Verstraete
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