Ancien joueur de baseball prodige au lycée, Hank est dorénavant barman dans un établissement minable. Il se console auprès de sa petite amie et se réjouit des exploits de son équipe favorite. Tout ira pour le mieux si Russ, son voisin de palier ne l’avait pas placé dans une situation délicate. Désormais, Hank est devenu malgré lui la cible de la pègre locale…

Complément ivre, un jeune homme s’apitoie sur son sort, stigmatisant son quotidien et les éléments qui le composent. Une complainte désolante, d’autant plus qu’il critique de fait, par sa démarche, la relation avec sa compagne. Cette scène assez percutante à défaut d’être fine relève toute la mécanique grippée d’un long-métrage qui aurait pu être davantage qu’un polar dopé aux vitamines bon marché tout comme son protagoniste aspirait au vedettariat plutôt que de servir dans un pub miteux. Bienvenue dans le nouveau film de Darren Aronofsky !

Romance contrariée

Depuis quelques années, le cinéaste s’est enfoncé dans une posture cryptique malsaine et voyeuriste, déroutante et agaçante. Celui qui avait séduit le public, à tort ou à raison, pour Requiem for a dream et Black Swan, se complaît désormais dans une approche soi-disant minimaliste, mais dont l’aspect métaphorique laisse franchement à désirer. Ainsi, la relecture biblique de Mother prêtait à rire et non à une profonde réflexion. L’homme spécialisé dans le malaise, à l’instar de David Lynch, Ingmar Bergman ou actuellement Ari Aster, ne convainc plus, pire il déçoit.

Voilà pourquoi on était à la fois curieux et inquiet de son nouveau projet, l’adaptation du roman de Charlie Huston (crédité au scénario) Pris au piège – Caught Stealing, au style très éloigné de son univers. Le synopsis renvoie en effet à ceux prisés par Martin Scorsese et surtout Quentin Tarantino, ce pour son plus grand dam. En plus de mimer sans relâche ce dernier, Darren Aronofksy va inoculer ses thématiques habituelles et concocter un cocktail particulièrement indigeste.

Interrogatoire

Le match d’après

Comme à son accoutumée, le réalisateur traite des traumas de ses personnages, en se concentrant sur toutes les facettes dérangeantes de la psyché et n’hésite jamais à choquer, illustration écœurante et redondante à la clé. Comme le clame Yvonne, Hank accédera au bonheur et avancera seulement en s’affranchissant des peurs, liées intimement à son vécu tragique. Pour résumé, il doit devenir un homme et s’assumer s’il désire pleinement profiter de son existence. On décèle d’ores et déjà un discours philosophique au contenu frelaté ; toutefois, on pourrait accorder du crédit à cette entreprise si elle ne reposait pas sur un contenant démonstratif sans saveur ni odeur.

Le récit initiatique de ce garçon particulièrement craintif et rongé par la culpabilité se transforme progressivement en chemin de croix, pour terminer en croisade vengeresse. Cette évolution, très mal amenée, s’articule autour des multiples trahisons qui affectent un parcours du combattant douloureux. La répétition des images d’un accident qui lui a tant coûté symbolise toute l’incapacité de Darren Aronofsky à décrire son schéma psychanalytique, avec des moyens détournés. Le cinéaste préfère la méthode frontale, dénuée de subtilité et oublie ainsi que la science freudienne s’accorde avec un sens de l’interprétation davantage nuancé.

Le trio magnifique ?

On n’a, par conséquent, aucun mal à deviner que la blessure contractée par Hank l’a empêché quelque part de couper son lien ombilical et que les promesses d’un succès évaporé depuis l’ont réduit au stade de la stagnation. Rien de bien neuf donc, bien au contraire, au vu des stéréotypes accumulés jusque-là et la renaissance du phénix qui se dessine ne s’accorde pas avec la grâce de l’Oiseau de feu, puisqu’elle s’assimile à la banale remontée sportive d’une équipe de baseball.

Amalgame douteux

Il ne faut pas s’étonner de cette absence de maîtrise puisque le but avoué de Darren Aronofsky ici est d’accoucher d’un film de gangsters décomplexé, outrancier et tapageur, dans la lignée de ce qu’offre Tarantino. Tout en excès, le long-métrage s’ancre dans le New York des années quatre-vingt-dix, tout en s’appuyant sur une esthétique issue des seventies. Cette direction artistique aux références à peine voilées, pourrait presque séduire, s’il y avait une quelconque once de sincérité derrière cette velléité nostalgique.

Gangsters loosers

Hélas, tout sonne creux et faux, tandis que l’unique remède aux maux de son protagoniste consiste en un enchaînement de mises à mort en règle. Les cadavres s’amoncellent sur le passage de Hank et ce n’est pas le regard cynique de Darren Aronofsky ou d’un chat à moitié domestiqué qui suscitera de l’empathie pour les victimes, y compris celles innocentes. Seul bon point de ce naufrage, les présences d’Austin Butler et de Zoë Kravitz, interprètes magnétiques à défaut d’être magnifiques. Pour le reste, les rebondissements artificiels louchent furieusement du côté de l’oublié C’est pas mon jour, ce qui renforce le côté mal aimable de l’ensemble.

On s’interroge donc sur la légitimité de ce polar faussement cool et détestable. Et la carrière de Darren Aronofsky, quant à elle, prend une direction inquiétante, dépourvue d’élégance…

Film américain de Darren Aronofsky avec Austin Butler, Regina King, Zoë Kravitz. Durée 1h47. Sortie le 27 août 2025.

L’avis de Mathis Bailleul : Pris au piège est le plus simple et léger des Aronofsky en Guy Ritchie bon et classe mais plus âpre et nerveux. La règle pour survivre dans ce Manhattan où échouent les ratés et les cabossés ? Se responsabiliser, assumer… ou vous verrez ce que signifie être vraiment au plus bas.

François Verstraete

Share this content: