Les dirigeants des sept pays les plus riches du monde se réunissent dans un château en Allemagne à l’occasion du congrès du G7. Préoccupés par la résolution de la crise en cours, ils réfléchissent au discours visant à rassurer leurs concitoyens. Tout se passe pour le mieux jusqu’au moment où d’étranges phénomènes viennent bousculer leurs certitudes…

La satire politique et le cinéma de genre ne font pas toujours bon ménage, tant l’exercice s’avère délicat à maîtriser. Les plus grands s’y sont frottés, avec réussite pour certains (John Carpenter et Invasion Los Angeles, Joe Dante et son Second Civil War) et avec un échec à l’arrivée pour d’autres (à l’image de Bong Joon-ho récemment et de son Mickey 17). En outre, il ne faut pas oublier qu’un traitement judicieux (c’est-à-dire la mise en scène) doit transcender un sujet quel qu’il soit et qu’une pauvreté formelle n’est jamais sauvée ni par le scénario ni par les thématiques abordées.

Voilà pourquoi le nouveau projet de Guy Maddin et des frères Johnson suscitait à la fois de la curiosité, des attentes et des craintes. Réputé pour son univers surréaliste et son style quasi expérimental, le premier cité se décide à retranscrire l’un des sommets politiques internationaux les plus importants à travers un conte horrifique. Et pour réussir cette entreprise hautement risquée, il a rassemblé une distribution hétérogène haut de gamme, venue de tous les horizons, composée de vétérans et d’un nom illustre, celui de Cate Blanchett. Ainsi, on aurait pu croire qu’avec une telle somme de talents à ses côtés, le cinéaste canadien et ses compères nous offriraient un pamphlet poétique digne de ce nom… un espoir très vite

refroidi malheureusement.

Comment creuser sa tombe

Dans le secret des dieux

Le fameux colloque du G7 (enfin plutôt G20 aujourd’hui) nourrit les fantasmes les plus fous auprès des foules et pas mal de réserves quant à sa légitimité ou à son utilité. Par ailleurs, beaucoup regrettent que seuls quelques chefs d’État décident du sort du reste du monde autour d’un verre, si bien que de nombreuses manifestations en signe d’opposition s’organisent durant le déroulement de ces assemblées. Par conséquent, le concept même de Rumours, nuit blanche au sommet intriguait tant il y avait matière pour concevoir un drame poignant ou au contraire, une farce jubilatoire.

Or, les réalisateurs n’accouchent d’aucun des deux ou plutôt les entrelacent dans une symbiose indigeste. Résultat, on ne sait pas sur quel pied danser, ce très rapidement. Les portraits esquissés des différents ministres et présidents oscillent en effet, entre caricature malhabile et personnalité du quotidien stéréotypée au possible. Certes, humaniser les uns et les autres avec leurs problèmes instille un peu d’intérêt. Toutefois, les auteurs ne parviennent jamais à trouver le ton juste dans les quelques moments d’intimité présents dans le récit.

Le seul cerveau de cette affaire

Entretemps, les ersatz d’Angela Merckel, Joe Biden ou Justin Trudeau préfèrent s’attarder sur les mots d’un communiqué commun, censé réconforter ceux dont ils ont la charge. Durant ces instants de réflexion, Guy Maddin et les Johnson s’époumonent comme leurs protagonistes en pure perte, avec une démonstration peu subtile ; ou comment les propos enjôleurs se dissimulent derrière un écran de vacuité. Cette critique acerbe serait défendable si de tels reproches n’étaient pas émis également envers une forme de septième art prétentieux dont les cinéastes se poseraient en hérauts…

En panne d’inspiration

Ce manque de finesse aurait pu être compensé par la direction artistique voulue ambitieuse, onirique de Guy Maddin. Hélas, elle nuit et renforce cette absence flagrante de cohésion de l’ensemble, comme si comédiens et metteurs en scène s’orientaient au hasard, sans le moindre fil conducteur. L’introduction de l’ingrédient fantastique, prévisible, n’amène qu’un sentiment d’absurde, vide de sens. Par conséquent, la photo de groupe de l’exposition constituerait presque l’unique élément logique et maîtrisé de ce chaos.

Hallucinant et désolant

Néanmoins, quelques images éclaircissent ce tableau désolant, avec leur lot de visions hallucinatoires farfelues, ridicules, mais un tantinet charmantes… mais c’est bien entendu trop peu. Les cinéphiles avertis devineront les sources d’inspiration du long-métrage, de l’esthétisme gothique de la Hammer à l’expressionnisme allemand, cher à Murnau. Des références tellement mal employées qu’elles ajoutent à l’anarchie globale et finissent d’achever les soldats Maddin et Johnson. Quant aux interprètes, ils s’amuseraient presque puisqu’ils délivrent une prestation en roue libre !

Sans s’ériger en désastre absolu, Rumours, une nuit blanche au sommet s’autosatisfait de peu et tend un peu plus, à chaque minute, ce vers quoi il abhorre. La tentative d’une élite de camoufler sa totale impuissance, voire son incompétence à travers un épais brouillard.

Film canadien de Guy Maddin, Evan Johnson, Galen Johnson avec Cate Blanchett, Roy Dupuis, Nikki Amuka-Bird. Durée 1h44. Sortie le 7 mai 2025.

François Verstraete

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