Héros légendaire de New York, Peter Parker alias Spider-Man se croit unique. Quand il vient à disparaître subitement, c’est la catastrophe. Pourtant, très vite, la ville va s’apercevoir qu’il n’était pas le seul à incarner Spider-Man et que d’improbables remplaçants vont alors assumer sa relève.

Non, il n’était pas dit ni écrit que la franchise Spider-Man devrait se contenter d’un médiocre Venom sur grand écran cette année. Il n’était point également dit que les aventures du tisseur connaîtraient leur chant du cygne après les décès successifs de leurs créateurs respectifs, Stan Lee et Steve Ditko, à quelques mois d’intervalle. Si le comic book personnifie un des théâtres du renouveau et de l’éternel recommencement, alors porter une énième fois les exploits de l’homme-araignée au cinéma ne sera point un dernier baroud d’honneur, mais le cri d’un phénix renaissant.

Adaptation opportune

En lieu et place d’un sempiternel reboot et d’un film live, Sony opte pour un long-métrage d’animation mélangeant techniques traditionnelles (stop motion) et modernes, images 2D et 3D. Si l’équipe responsable du projet ne compte aucune tête de gondole, elle s’en sort en tout cas avec brio tant le résultat final s’avère bluffant. Outre le défi esthétique relevé dans le cas présent, la mise en scène tient toutes ses promesses des débuts balbutiants de Miles Morales à ses acrobaties époustouflantes rappelant les grandes heures de Sam Raimi derrière la caméra, quand le tisseur transperçait l’écran par sa grâce aérienne. Qui plus est, ici les multiples références à tout un pan de la pop culture élargissent le champ des possibles d’un univers visuel baroque et en constante évolution.

Le tout étant rendu opportun par l’écriture ciselée de l’ensemble, adaptée librement de la saga dessinée Spider-Verse née il y a quelques années, où le lecteur découvrait différents Spider-Man issus de mondes parallèles. Si le thème a maintes et maintes fois été exploré par le comic book et immortalisé par le célèbre Crisis on infinite earths de Mark Wolvman et George Perez, il a l’avantage de pouvoir justifier une approche nouvelle d’un personnage que tous pensaient connaître par cœur. Si le principe même de l’art est de toujours soumettre des sujets similaires avec un regard ou encore une démarche différente, alors ce Spider-Man : into the Spider-Verse symbolise cette ascendance au sein d’un genre que bon nombre d’observateurs considèrent à bout de souffle.

Introspection pour une résurrection

D’ailleurs, le film appuie constamment, ce dès l’exposition sur cette relecture, en présentant d’emblée la vie de Peter Parker, devenue tellement mythique qu’elle s’impose en tant qu’élément diégétique du long-métrage. Mais très vite, les cinéastes vont non seulement opposer son histoire à celle des réalités alternatives, montrant ainsi que chacune d’entre elles peut être tout autant unique qu’universelle, mais aussi l’apposer progressivement à Miles Morales, sorte d’anti Peter Parker en apparence, mais comme lui à ses débuts en proie au doute et à l’introspection.

Et à l’image des films de Sam Raimi et de Marc Webb, mais également des velléités originelles de Stan Lee et Steve Ditko, les metteurs en scène vont se consacrer à la quête identitaire du protagoniste Miles Morales, à la recherche de lui-même comme Peter Parker avant lui. Il ne faut point oublier la question de « qui je suis ? » posée d’entrée par Tobey Mac Guire dans le long-métrage de Sam Raimi, question qui fera écho en salle de classe dans celui de Marc Webb lors d’un cours de littérature. Ici, elle est soulignée par une dissertation imposée au personnage, mais n’est jamais évoquée directement. Par ce biais, Spider-Man : into the Spider-Verse engendre une dichotomie bienvenue entre relecture réjouissante et poursuite d’un héritage sacré.

Jamais à court d’idées pour malmener un héros en devenir, tel Stan Lee ou Sam Raimi en leur temps, le trio de réalisateurs hisse de nouveau très haut la toile attachante d’un adolescent qui comme son alter ego symbolise tout à chacun aussi bien à travers ses doutes que ses exploits. Réussite sur le fond et sur la forme, Spider-Man : into the Spider-Verse rejoint les adaptations animées abouties, officielles ou officieuses de comic book, signées Brad Bird, Bruce Timm ou encore Paul Dini.

Film d’animation américain de Bob Persichetti, Peter Ramsey, Rodney Rothman. Avec les voix de Shameik Moore, Jake Johnson, Hailee Steinfeld, Mahershala Ali. Durée 1h57. Sortie le 12 décembre 2018.

François Verstraete

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