La conclusion de la saga Skywalker et sa lutte avec le redoutable empereur Palpatine.
Rarement un film n’aura déchaîné autant les passions et surtout les messages de haine que Les Derniers Jedi de Rian Johnson, opus précédent cette Ascension de Skywalker. La volonté de démythifier la célèbre franchise et surtout de se reposer sur d’autres bases que les écrits de Joseph Campbell. Les fans de la première heure crièrent alors à l’hérésie, au crime de lèse-majesté, reprochant à Johnson de salir un dogme immuable, de transformer la licence concept mercantile Disney et de développer des arguments scénaristiques fallacieux et sans fondement. Rarement une œuvre n’aura subi un tel diktat de la part d’une communauté…
Un essai non récompensé
Pour répondre aux diatribes parfois limites, sur le travail de Johnson, il faut souligner d’une part l’abandon, à l’occasion de son entreprise, d’un manichéisme de pacotille (Johnson suit la ligne directrice de Rogue One en ce sens), que la franchise a toujours relevé du produit marketing (à l’exception du l’Empire contre-attaque) et qu’il a décelé les véritables écueils qui jalonnaient jusque là les volets antérieurs.
Surtout au moment de poser les enjeux dramatiques, le réalisateur faisait preuve d’un talent indéniable pour exprimer le lyrisme ambiant au contraire d’un Lucas, adepte d’une mièvrerie insupportable, authentique signature chez le bonhomme. En sortant des sentiers battus et du formatage qu’on lui reproche trop souvent, Disney s’est donc fait railler, sans doute injustement. La mise en place de cette conclusion relevait tout aussi bien de la gageure que du suicide artistique.

Il fallait contenter les aficionados, effacer l’épisode VIII des mémoires pour l’image de la marque, remplacer au pied de la lettre un cinéaste, et changer en catastrophe un scénario plombé par la mort de Carrie Fisher… Entretemps, le film Solo, lamentable prélude soit dit en passant, a fait chou blanc au box-office. En revanche, depuis quelques semaines, la série The Mandalorian, véritable usine à fan service à la qualité toute relative, inspirée de Lone Wolf and Cub sans en retirer la puissance du substrat, triomphe et a redonné espoir à des hordes d’admirateurs quant au devenir de leur saga.
Saccage en règle
Il n’est donc point étonnant que ce soit J.J Abrahams qui ait été appelé en tant que sauveur de la patrie, adepte lui-même de ce souffle nostalgique et de cette continuité que le public aime tant. Avec cet épisode IX, la tâche est ardue pour instiller l’envie aux uns et aux autres, il faut ainsi raser les soi-disant mauvaises herbes plantées par Jonhson pour se replonger dans un archaïsme peut être salvateur financièrement, mais en aucun cas artistiquement.
Par le passé, son attrait pour les séries d’antan a engendré des longs-métrages d’honnête artisan (Star Trek, Le Réveil de la force), à défaut de susciter une révolution sur le fond et sur la forme. Ici, il n’a qu’une seule obsession, celle ad nauseam, de détruire complètement l’œuvre de son prédécesseur. Malgré quelques idées intéressantes (reprises d’ailleurs en partie de Jonhson) notamment dans la mise en scène de la relation Ren/Rey, Abrahams fait systématiquement table rase et contredit pour la bonne cause selon lui, toute l’entreprise de Rian Johnson.

Usant jusqu’à la corde de toutes les ficelles appréciées de la communauté, Abrahams enchaîne les séquences impressionnantes sans poser les questions adéquates, apportant des réponses alors que le non-dit suscite bien plus d’émotion, ne se conforme jamais un quelconque découpage logique et n’établit jamais de véritables enjeux. Mais l’honneur est sauf selon lui, car l’historique et le semblant d’homogénéité de l’univers est respecté… pis encore, là où Jonhson affichait une réelle maîtrise des quelques moments lyriques, Abrahams s’embourbe dans un sentimentalisme mielleux, avant de clore sur une image redondante ici très malvenue.
À l’arrivée, Star Wars: L’Ascension de Skywalker n’est pas uniquement médiocre, il s’impose surtout comme un film malade, fruit pourri à la fois par des spectateurs mécontents et par un studio ayant refusé de mourir avec ses idées. Le temps réhabilitera peut-être Les Derniers Jedi. Surtout, il permettra peut-être aux uns et aux autres de prendre le recul nécessaire pour apprécier l’essentiel…
Film américain de J.J Abrahams avec Daisy Ridley, Adam Driver, Oscar Isaac. Durée 2h22. Sortie le 18 décembre 2019
François Verstraete
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