L’histoire à l’origine de la rivalité qui oppose Optimus Prime et Megatron..
Au cours de son passage au cinéma, la licence Transformers a très vite montré ses limites. Si les cinq tentatives de Michael Bay n’avaient déjà pas eu raison des spectateurs les plus tenaces et remplis d’espoir, les scénaristes qui ne savaient plus quoi faire pour faire progresser la saga principale tout en garantissant un certain succès au box-office, ont décidé d’avancer à reculons pour des résultats… disons moyens, pour être gentil, et carrément décevants d’un point de vue commercial.
Une sacrée déroute quand on s’aperçoit que ces spin-offs trahissent jusqu’aux origines forgées par Michael Bay pour capitaliser sur des ersatz spielbergiens sans magie. On pense d’abord à Bumblebee, un E.T avec la taille et la taule du Géant de fer, trop simple et attendu pour marquer durablement en pur blockbuster et produit standardisé de son époque, qui hurle des sons de chanson pop à chaque training montage en forme de clip.
Et plus récemment, c’était au tour de Transformers : Rise of the Beast d’entacher tout le travail du grand maître en piochant ici et là, dans les séquences de ses chefs-d’œuvre, tout en évoquant des calques plus contemporains. Bilan des courses, on accouche d’un film d’aventure qui mélange principalement Indiana Jones et Jurassic Park, mais qui copie bêtement l’imagerie d’Uncharted (il n’y a qu’à regarder les sapes d’Anthony Ramos au cours du récit pour comprendre) et celle de Jurassic World. Donc même quand tu cites tes modèles, tu ne sais pas faire, c’est que t’as touché le fond… ah non, toucher le fond, c’est quand t’es tellement désespéré que tu en viens à émettre l’idée d’un crossover bancal dans une scène post-générique en voulant réunir Transformers et G.I. Joe, deux licences d’Hasbro.
Ouais, là, c’est vraiment la cata. Donc bon, fort de cet aveu d’échec, on creuse encore et une proposition un peu singulière germe enfin : et si on racontait pour la première fois sur grand écran… le Commencement ? Bah oui, à force de remonter dans le temps, prequels après prequels, c’était la suite logique. Mais attention, on va pas se casser la gueule avec du live-action sauce blockbuster aux effets spéciaux immondes, ce à quoi carbure hélas, l’industrie en 2024. Non. On va le faire en animation !
Prise de risque racoleuse ?
Vous savez, depuis Spider-Man into the Spider-Verse, le genre c’est une mine d’or, un cache-misère imbattable ! Regardez, Dreamworks l’a bien compris avec Les Bad Guys, Le Chat-Potté 2 et Le Robot Sauvage, il suffit d’avoir une direction artistique autant originale que soignée et le tour est joué. Voilà, on a notre socle : ne plus réitérer les erreurs du passé, s’émanciper d’une forme et d’une formule qui ne fonctionnera jamais plus aussi bien depuis Bay pour surfer sur la seule mode qui paye, raconter les origines, et engager à la réalisation le mec qu’a fait Toy Story 4 donc Josh Cooley, qui a du relancer une saga à priori terminée, à bout de souffle (tiens ça vous rappelle rien ?).
Avec toutes ces armes à nos côtés, qu’est-ce qui peut mal tourner ? Bah pas grand-chose, si ce n’est que la démarche peut sembler opportuniste. Mais en fait non, ce Transformers : Le Commencement a tout pour lui, à commencer par une sincérité touchante. Parce qu’il faut se rendre compte que Transformers, à la base, c’est pas juste des robots voitures qui se foutent sur la tronche, et ce, même si c’est ce qui ressort le plus de ce que l’on a pu voir de la franchise au cinéma jusqu’à aujourd’hui. C’est des robots qui se transforment en voiture.
En avant toute
Plus lentement, peut-être ? Trans-forment. On a donc enfin un long-métrage qui embrasse les intentions derrière sa mythologie en pointant l’accent dessus puisque sur Cybertron, à l’origine, avant la guerre qui opposera les Autobots et les Decepticons, la classe ouvrière qui compose la majorité de ses habitants ne peut pas se transformer et n’est rien de plus qu’une main-d’œuvre qui produit de la matière première pour le confort de quelques élus adulés qui, eux, savent se métamorphoser.
Et Orion Pax et son ami D-16, qui deviendront plus tard Optimus Prime et Megatron, vont s’émanciper de leur simple condition dictée par leur hiérarchie conservatrice, jusqu’à remettre en question tout ce système, en s’aventurant à la surface. Une ascension plurielle qui passe par la liberté identitaire, par le fait de se définir soi-même, s’accepter et s’assumer. La structure de ce déploiement est certes classique, voire attendue dans un film d’animation, mais c’est un vent de fraîcheur dans une licence qui se décide enfin à raconter quelque chose, pour finalement endosser sa propre personnalité après tout ce temps perdu à se voiler la face. Mais cette simplicité inhérente, elle est avant tout d’une efficacité redoutable.
Une formule gagnante
C’est tout d’abord un plaisir de voir un casting vocal aussi solide pour incarner ces personnages. Chris Hemsworth pour Optimus, Brian Tyree Henry pour Megatron, Scarlett Johansson pour Elita-1, Keegan-Michael Key pour Bumblebee, mais également Jon Hamm, Steve Buscemi ou encore Laurence Fishburne, tous sont dévoués à donner corps et crédibilité à cet univers… et ça marche. D’autant plus que leurs prestations doivent s’adapter aux joies de l’animation familiale, avec toutes les perturbations comiques à la Marvel, distillées dans la tragédie qui se dessine à l’horizon, à savoir au hasard celle où Optimus et Megatron sont plus potes et livrent une guerre sans fin.
Et à ce petit jeu d’équilibriste, c’est encore un franc succès. La mise en scène, allant de pair avec l’énergie des acteurs, permet des élans humoristiques inespérés dont les meilleurs moments sont déjà déclinés en mèmes sur les réseaux sociaux, c’est signaler l’ampleur du phénomène. Mais comme on le disait, le drame ne perd jamais en intensité. Bien au contraire, attaché aux personnages, le public regarde une fissure s’élargir minute après minute, inexorablement, et ce, quand bien même les protagonistes s’efforcent à la refermer tant bien que mal. De là, difficile de ne pas être bouleversé par la fatalité de la situation, jusqu’à un climax spectaculaire dans tous les sens du terme, encore une fois attendu, mais riche en émotions.
Un peu à la manière du Robot Sauvage sorti deux semaines plus tôt sur le territoire français, c’est vu et revu, mais c’est façonné avec un savoir-faire et une sensibilité qui emporte malgré la redite. Transformers: Le Commencent arrive donc sans grand mal à s’imprégner de la tendance qui germe dans le film d’animation et le fait avec une sincérité touchante. S’il y avait bien une licence qui était faite pour s’assumer à ce moment-là, c’était bien elle. En résulte un beau coming-out.
Film d’animation de Josh Cooley avec les voix originales de Chris Hemsworth, Keegan-Michael Key, Brian Tyree Heny, Scarlett Johansson. Durée 1h44. Sortie le 23 octobre 2024.
L’avis de François Verstraete : sans égaler l’excellentissime Spider-Man : Across the Spider-Verse, ce Transformers : Le Commencement a le mérite d’insuffler un réel intérêt à la franchise en revenant à ses racines celles de l’animation.
Mathis Bailleul
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